Non, l'action des Américains n'a pas été le fiasco annoncé. Mais avec les fondamentalistes, tout peut encore se produire
Quelquefois, on se sent comme Fabrice à Waterloo. Cette guerre sans guerriers déconcerte. Ces événements démentant chaque jour ce que l'on affirme depuis six semaines dans les gazettes : troublant. Des images saisies ici et là, groupées dans «Arrêt sur images» qui peut piocher partout et comparer, ont apporté quelques certitudes bienvenues (La Cinquième).Les Américains devaient s'embourber en terre afghane. Un nouveau Vietnam, disait-on avec gourmandise. Pour le moment, c'est faux. Les opérations aériennes : «Le fiasco» titrait à la une un hebdomadaire jubilant. Il ne le paraît pas. Il semble au contraire que, grâce à elles, la prise de Kaboul se soit jouée comme il fallait, entre Afghans. La chute de la capitale devait s'accompagner de sanglants règlements de comptes avec les «collabos» locaux : il y a eu des violences mais la ville est calme, comme soulagée, anxieuse seulement des lendemains. Les hommes jouissent de se faire raser, les femmes de marcher seules dans la rue. Elles ne se dévoilent pas encore. Ici et là, on danse, tout au plaisir d'avoir récupéré la musique, ce symbole de corruption. La musique! Il faut bien constater qu'il y a quelque chose de fondamentalement borné chez les fondamentalistes musulmans, comme d'ailleurs chez tous les fondamentalistes. Les juifs, ceux d'Israël, et les chrétiens des Etats-Unis, qui interdisent l'enseignement de Darwin, n'ont rien à leur envier. Mais ils sévissent au sein de démocraties où ils ne peuvent pas imposer leur pouvoir, même s'ils ne sont pas inoffensifs. Les ambitions de Ben Laden sont d'une autre dimension et ses capacités de nuisance demeurent immenses. Son mollah préféré, Mohammed Omar, a déclaré à la BBC: «Le réel problème, c'est l'extinction de l'Amérique.» Delenda Carthago . Pour l'Amérique, le réel problème, c'est l'extinction du terrorisme. Autant dire que ce bras de fer ne fait que commencer. Tout peut encore se produire. On dit que, du côté de Kandahar, des monceaux de morts souvent torturés s'accumulent. Mais qui va perdre son temps à les compter dès lors qu'il n'y a pas d'Occidentaux parmi eux? Pour se distraire un moment de ce tableau, on peut regarder, ce jeudi, l'histoire politico-policière connue sous le nom d'Affaire Markovic, du nom d'un beau gosse yougoslave retrouvé mort un jour de 1968 sur un terrain vague. La police sut très vite que Markovic était un familier d'Alain Delon, ce qui lui donna un éclat soudain. L'acteur se plia à toutes les exigences de l'enquête, mais il apparut qu'il n'y avait rien à trouver de son côté ni du côté de son épouse du moment, qui avait eu des faiblesses pour Markovic. Ladite enquête piétinait lorsqu'une rumeur courut : on a trouvé des photos. Des photos de quoi? De qui? De la femme de Georges Pompidou, précédemment Premier ministre de De Gaulle, prises dans l'une de ces parties fines où se réunissait une certaine société parisienne dépravée à Saint-Tropez. On y aurait aperçu les Pompidou et les Delon. Et chacun de raconter ce qu'il y avait sur ces photos que personne n'avait jamais vues.Outre que Pompidou aimait sa femme et souffrait pour elle, il était le candidat potentiel à la succession de De Gaulle. De sa propre enquête, il déduisit qu'un complot avait été monté contre lui par René Capitant, gaulliste de gauche, ministre de la Justice, jouissant de l'aimable collaboration de Raymond Marcellin, ministre de l'Intérieur. Quand Pompidou fut convoqué avec sa femme par le juge d'instruction, de Gaulle s'émut enfin, et dit : «Trop, c'est trop.» Il invita les Pompidou à dîner à l'Elysée et cela fut claironné urbi et orbi . Devenu président de la République, Pompidou n'a jamais sévi contre les comploteurs présumés. Mais il écrira : «Jamais je n'ai été plus près du désespoir.» Qui donc a tué Markovic? Pourquoi? Qui a répandu une photo d'une prétendue Claude Pompidou nue sous un manteau de fourrure dans le but de barrer l'accès de l'Elysée à son mari? Le secret, si quelqu'un le connaît, est aussi bien gardé que celui du Masque de fer («Passé sous silence», France 3).Un revenant, François Léotard, au «Grand Jury» (LCI), retour d'une mission réussie en Macédoine. On le croyait guéri de la politique, mais qui en guérit jamais? Invité à se prononcer sur la campagne présidentielle, il a taillé un costume à Jean-Pierre Chevènement, «qui s'est toujours trompé». Cela, c'est un fait. Mais qui n'empêche pas le farouche antieuropéen de trouver des appuis dans l'électorat de l'UDF, si l'on en croit un récent sondage. Ce qu'apprenant, François Léotard s'est esclaffé: autant qui n'iront pas sur Bayrou! F. G.
Jeudi, novembre 22, 2001
Le Nouvel Observateur