La coïncidence entre le 80e anniversaire de Verdun et les déclarations du président de la République est évidemment fortuite. Mais à voir le documentaire diffusé par France 3 sur l'une des plus célèbres boucheries de l'Histoire, on ne pouvait s'empêcher de se poser quelques questions. Ces hommes qui ont enduré quatre ans d'enfer enfoncés dans la boue, suffoquant sous les gaz, la peur au ventre, comment, pourquoi ont-ils tenu? Sans doute parce qu'ils avaient, ancré en eux, le sentiment national. Ils défendaient le sol de la patrie. C'était l'armée du peuple.
Que subsisterait-il de cette notion dans un corps exclusivement composé de professionnels? Et éventuellement prêt à quelque pronunciamiento, comme des officiers le furent pendant la guerre d'Algérie où la résistance vint des appelés? Je ne sais pas. Mais cela mérite au moins réflexion. Pour nous faire part de ses décisions, Jacques Chirac avait mis, moralement, son uniforme. Il fut impérial, sec et même cassant pour rabrouer Anne Sinclair, moquer Alain Duhamel, qui s'efforçaient seulement de rendre clair ce qui était obscur. Pourtant on avait envie de tout comprendre, chacun sentait bien que l'affaire se situe au vif de la vie nationale. Ce n'est pas tous les jours qu'on transforme l'armée pour en faire une autre. Mais on faillit succomber sous un déluge de chiffres d'où il ressortit que, pour finir, l'Etat ferait des économies, et là on se dit qu'il devait y avoir comme une erreur d'addition quelque part.
Comme Jacques Chirac a bon cœur, il ne peut pas s'empêcher de faire des promesses. Là il s'agissait de rassurer les habitants des villes de garnison, les industriels de l'armement, tous ceux que les nouvelles dispositions affecteront. Le président de la République s'engage à rendre ces dispositions indolores. Avec quel argent? La croissance, voyons, la croissance! Elle arrive, elle sera forte, il le jure! Et puis en voilà assez. Rompez.
Il fut plus gracieux au Salon de l'Agriculture, où, dans l'élan d'affection qui le portait, on s'étonnait qu'il n'embrasse pas les vaches. Pourtant, elles le méritaient.
Internet : c'est le dernier chic. Ceux qui ne font pas partie de la secte n'oseront bientôt plus l'avouer. Qu'est-ce donc au juste? A l'aide de quelques connaisseurs, Pivot a essayé d'en traiter clairement. Il y est à peu près parvenu. Mais que faut-il penser du développement fabuleux de ce nouveau jouet auquel on joue de Bécon-les-Bruyères à Pékin?
Pour Paul Virilio, le philosophe, «un délire commence à proliférer... Nous sommes en train de mettre en place un système qui va échapper totalement à la loi!». Il fut apocalyptique. L'autoroute de l'information qui devait nous conduire au paradis serait celle de l'enfer. Ses interlocuteurs vantèrent en vain les exploits de l'instrument. On sortit de là perplexe, avec le sentiment troublant que l'humanité s'est inventé un nouveau Golem...
Prévert par Jean-Christophe Averty : du nanan. Il s'en est payé, Averty, pour dresser sur Arte l'«inventaire» du poète. Et d'abord le fameux «Dîner de têtes»: «Ceux qui tricolorent... Ceux qui inaugurent... Ceux qui savent découper le poulet... Ceux qui majusculent... Ceux qui pieusement... Ceux qui copieusement...» Il fallait, pour illustrer ces neuf pages de vitriol, de la santé. Ce fut fait avec une belle violence réjouie.
Autre perle : «Aubervilliers». 1945. Les fumées crachées par les usines expectorant les ordures, les ouvriers de Saint-Gobain contemplant leurs mains rongées par les acides, les derniers potagers, les enfants dévalant les rues, «gentils enfants d'Aubervilliers, gentils enfants de prolétaires, gentils enfants de la misère...». Extraits de films, chansons de Montand, il y avait de tout dans ce pot-pourri. Surtout, il y avait de bout en bout l'indignation, la tendresse, l'invention, la petite musique de celui qui disait : «Il faut essayer d'être heureux, ne fût-ce que pour donner l'exemple...» Anne Sinclair intimidée, c'était une première. Elle le fut, la charmante, par cette belle créature qui conjugue la grâce et l'esprit, Sharon Stone. Venue là pour se vendre, l'étoile américaine rendue célèbre par une certaine façon de s'asseoir a trouvé d'autres arguments pour s'imposer à «7 sur 7». Une fameuse professionnelle, Miss Stone.