Editorial n°1092

Réflexions sur le régime
Dans les couloirs du Palais, des coups s'échangent, des fers croisent, des chausse-trapes se tendent, des têtes vacillent sur leur col, d'autres repoussent, que l'on croyait tombées.
Tandis que la France, querelleuse, méfiante, ou indifférente après une grève générale bien particulière, oublie le notaire de Bruay, pense à ses vacances et interroge le ciel — Quel temps fera-t-il dimanche? Tiens, c'est le 18 juin... — le Paris politique est tout bruissant de rumeurs.
Le roi — en l'occurrence M. Pompidou — n'est pas en danger. Et il reste fort, certes, puisque c'est le roi. Un roi élu. Mais, un jour de référendum, le pas lui a manqué. Et voilà les barons, les princes, les factions, les héritiers, les prétendants de la branche aînée, les ambitieux de la branche cadette, toute la cour en mouvement. Faut-il jouer le clan du roi ou l'autre ?
S'il ne s'agissait que d'une affaire de coteries, elle serait négligeable. Mais c'est autre chose qui est en question.
Ce régime, conçu comme une monarchie libérale par et pour le général de Gaulle, à ses mesures, comment l'habiter quand on est de taille normale ? Le président de la République nomme le Premier ministre. Mais à supposer qu'il juge souhaitable pour le pays de mettre fin à ses fonctions, il faut que celui-ci ait la bonté de lui présenter la démission de son gouvernement.
On s'imagine mal un Premier ministre disant à de Gaulle : « Désolé, je reste. Et je sais mieux que vous ce qui est souhaitable pour le pays. » Mais, à tout autre, on peut le dire — et même, on l'a dit, en somme.
Des rapports de force s'établissent ou peuvent s'établir, ainsi, entre Président et Premier ministre, en désaccord sur une stratégie, voire sur une politique, et en faire des rivaux.
Nous y sommes, semble-t-il, même si cette situation demeure souterraine. On se retrouvera ensemble, dimanche, à Colombey, pour , dire un « Notre père » au pied d'une croix de Lorraine.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express