Editorial n°1083

Sur l'incapacité des partis de l'opposition à rester crédibles, faisant ainsi le jeu de Pompidou
M. Pompidou serait en ce moment, dit-on, au comble de l'amusement. On peut le comprendre. Que voit-il, en effet ?
A sa gauche, le Parti communiste, devenu champion de l'expansion économique sauvage par opposition aux visées planificatrices de M. Mansholt, président socialiste de la Commission de Bruxelles. Mué soudain en rempart de la souveraineté nationale, et allez donc, enfants de la patrie, vous rhabiller si vous croyez que vous êtes membres de la IIIe Internationale.
A sa droite, les gaullistes historiques transformés en Européens militants, anglophiles déclarés. Par fidélité à la pensée politique du Général, sans doute ?
Autour de lui, de futurs Premiers ministres qui craignent soudain, faute d'avoir deviné les desseins européens de M. Pompidou, de n'avoir plus d'avenir que dans le passé.
Au milieu, le Parti socialiste, qui annonce, dans son programme : « Le gouvernement de la gauche favorisera l'intégration effective au Marché commun de la Grande-Bretagne, du Danemark, de la Norvège et de l'Irlande... » Et qui décide de s'abstenir, au moment où on le convie, précisément, à la favoriser. Abstention respectable : elle exprime une hostilité de principe à la procédure du référendum. Mais, autant que l'on s'en souvienne, cette hostilité n'a pas empêché des leaders socialistes de voter oui, en d'autres consultations référendaires. Hélas ! hélas ! plus une carrière politique est longue, plus il est difficile d'être fidèle à ses propres principes.
Partout, enfin, des électeurs piégés, qui diront oui malgré leur hostilité à la politique intérieure du chef de l'Etat, d'autres qui s'abstiendront malgré leurs convictions européennes, d'autres qui diront non malgré leur anti-communisme...
A la place de M. Pompidou, on y prendrait aussi quelque malin plaisir. Mais, comme on dit dans Victor Hugo, à moins que ce ne soit ailleurs, ce n'est rien de faire une muselière. C'est le tout de la mettre.
Il y faudra encore quelque doigté.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express