Editorial n°1056

Sur la critique adressée par le Président de la rép aux promoteurs immobiliers (montrer l'absurdité de cette critique)
« Et que fait votre mari ?
— Il est promoteur immobilier. »
Imprononçable. « Et qu'est-ce qu'il veut faire plus tard, ce petit bonhomme ?
— Il veut être promoteur immobilier. »
Inimaginable. « Et qui vous a fait ce joli cadeau ?
— Un promoteur immobilier. » Inavouable.
On comprend que le moral des honorables représentants de cette corporation — et il doit bien y en avoir, que diable, qui n'ont ni plus ni moins trafiqué de leurs relations U.d.r. que des banquiers, des armateurs, des marchands d'armes ou des ratons laveurs — on comprend que leur moral soit aussi bas que leurs immeubles sont hauts.
Seuls les prix des appartements, ou, si l'on veut faire démocratique, des logements, restent à l'abri de la dévaluation du promoteur immobilier dans la Société.
Après la guerre, ce sont les B.o.f. que l'on brocardait, les Beurre-œufs-fromages profiteurs de l'imperturbable appétit de leurs compatriotes pour les nourritures terrestres, fût-ce dans le malheur de la patrie.
Après la précédente guerre, on plaisantait rudement « le nouveau riche ». Expression par quoi les Français marquaient bien l'essentiel de ce qu'ils reprochent, à la fin, à la richesse des autres : être neuve et avoir, en conséquence, une furieuse propension à s'exhiber. En situation de produire un grand-père milliardaire, quelque voie qu'il ait empruntée pour y parvenir, la fortune héritée du vieux forban vous vaudra au contraire la considération générale, surtout si vous en distrayez quelques miettes pour financer des revues révolutionnaires.
Aujourd'hui, c'est le promoteur immobilier que M. le président de la République en personne et en public vient de désigner à la lapidation morale.
Moralité : à s'enrichir dans la pierre, on la retrouve dans son jardin.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express