Après le débat télévisé entre Chirac et Marchais. Réflexions sur la vérité d'un homme
L'œil de la télévision n'a plus rien à détecter, semble-t-il, sur le visage du président de la République, qu'il ne veuille y laisser paraître.
Ce n'est pas seulement qu'il a atteint, devant les caméras, cet échelon supérieur du naturel où la maîtrise fait partie de la spontanéité. C'est aussi que l'apparence des hommes constamment offerts aux regards et conscients de l'être finit par se modeler sous le poids de ces regards.
D'abord, ils se composent, puis ils deviennent opaques.
Aussi aura-t-on observé avec un intérêt tout particulier l'émission qui a permis de saisir, visages encore transparents, MM. Jacques Chirac et Georges Marchais, représentant, le premier, l'U.d.r., le second, le Parti communiste. Ciel, quel appétit ! Et que ces dents blanches bien rangées semblaient donc longues, mère-grand ! Comment peuvent-ils marcher sans tomber ?
Ils peuvent. Ils ne tombent pas, trébuchent à peine, se relèvent, pirouettent, rebondissent. Les procédés qui consistent à s'adresser au public, chacun le sien, en feignant de répondre à son interlocuteur, ils les connaissent. Les ficelles, ils savent les tirer. Les plus grosses ne les rebutent pas, ni l'un ni l'autre.
Mais, ce qu'ils ignorent encore, faute de pratique, sans doute, c'est l'art d'écouter en gros plan. C'est là que la télévision trahit le mieux son homme. Quand il écoute. Quand le bruit de sa parole cesse de couvrir sa rumeur profonde et qu'il ne tient plus ses traits. Alors, il se livre.
Peut-être les partisans respectifs de M. Chirac et de M. Marchais se sont-ils sentis parfaitement accordés aux sentiments qu'ils exprimaient, aux théories qu'ils soutenaient, aux mots qu'ils prononçaient. A la voix châtiée de l'un et ronde de l'autre.
N'étant pas de leur paroisse, j'ai surtout écouté leur silence. C'est le même. Il fait peur.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique intérieure