Editorial n°1054

Revient sur la posture de Khrouchtchev, récemment mort, qui a dénoncé les dérives staliniennes tout en y participant.
La révérence générale devant Nikita Khrouchtchev, parce qu'il est mort, fait partie de ces conduites mécaniques qui incitent parfois à se demander pourquoi les hommes craignent tant d'être « transformés en robots », comme ils disent. Ils le sont déjà, sans que personne les y force, sous la simple pression du conformisme.
Comment ! Voilà un chef communiste qui a été le témoin averti d'une des plus atroces perversions qu'un idéal ait jamais connues. L'Inquisition, à côté, c'est bagatelle. Qui a vu de ses yeux vu les crimes que le communisme a sécrétés en Union soviétique et qu'il a lui-même dénoncés dans le fameux rapport du XXe Congrès.
Et que fait-il ? Que font, d'ailleurs, tous ceux qui sont soudainement soumis à l'horreur de ces révélations ? Que font les marxistes, qui possèdent, en théorie, le meilleur outil intellectuel d'analyse objective d'une situation ? Que dit Nikita Khrouchtchev ? Il dit : « C'est la faute à Staline. » Admirable.
Comment le système socialiste pour lequel tant d'hommes et de femmes se sont fait tuer, dans lequel tant d'hommes et de femmes ont mis leur foi parce qu'il devait changer, enfin, l'ordre du monde, comment a-t-il dégénéré, à peine institué, en un immense camp de concentration, la question ne sera pas posée.
C'est la faute à Staline.
Ainsi, il n'y a pas d'homme providentiel, mais il y aurait des hommes fatidiques. Infinies ressources de la dialectique.
L'hommage que l'on peut rendre, aujourd'hui, à Nikita Khrouchtchev, c'est d'avoir réussi, avec la complicité, il est vrai, de tous les dirigeants des partis frères, un escamotage magistral des causes qui produisent l'effet stalinien.
Il n'est pas évident que cette jonglerie justifie que l'on s'attendrisse sur sa mort. Au contraire.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express