Récuse la prétendue désaffection des citoyens à l'égard de la politique. Si les citoyens ne s'intéressent pas aux affaires politiciennes, ils restent préoccupés par une autre forme de politique, celle qui règle leur vie de tous les jours.
Un homme se disputait âprement avec sa femme. Témoin de l'algarade, un ami du mari entreprit de le raisonner. « Je ne vous comprends pas, dit-il. Dans mon ménage, nous ne nous disputons jamais, parce que, une fois pour toutes, les choses sont réglées. C'est moi qui prends les décisions importantes, et ma femme qui règle les détails.
— Mais comment faites-vous la différence ? demande le premier.
— Eh bien, c'est très simple ! dit le second. Ma femme décide des études des enfants, du médecin qui les soigne, du lieu où nous prenons nos vacances, de la marque de la voiture, etc. Les détails, quoi ! Et moi, je décide si l'Angleterre doit entrer dans le Marché commun, s'il faut réévaluer le franc, s'il faut que les Etats-Unis évacuent le Vietnam, etc. »
C'est cette vieille histoire qu'évoquent irrésistiblement les lamentations, désormais classiques, sur le prétendu désintérêt des Français pour la politique. On vient de voir, à propos des scandales relatifs à l'immobilier, que ce désintérêt se dissipe dès qu'il s'agit de choses sérieuses. Ou, si l'on préfère, du « détail ».
C'est la politicaillerie, qui laisse les citoyens froids. Et aussi, pour le plus grand nombre, les affaires où ils ne se sentent pas armés pour se faire une opinion et moins encore pour intervenir avec quelque efficacité.
Mais s'il est vrai que la politique fut, autrefois, l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde, il est clair qu'il devient de plus en plus difficile de l'exercer. Et pas seulement faute d'artistes.
La protection du pouvoir d'achat, la pénurie de transports, le prix des logements, la crise du téléphone, la misère de l'Ouest quand on y doit vivre, l'abandon où l'Est est laissé, l'injustice fiscale, tout ce qui fait le tissu de la vie quotidienne, si ce n'est pas de la politique, qu'est-ce donc, la politique ?
Mais si nous nous en mêlons trop, nous allons finir par perdre la confiance du gouvernement. Et alors que se passera-t-il ? Bertolt Brecht le suggérait déjà : ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ?
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
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