Deux filles et un ballon

Jouer au football... en short! Des Algériennes ont fait de ce sport d'hommes l'instrument de leur libération
Si l'on connaissait le coupable, on lui réglerait son compte. Mais qui est-ce? Qui est l'ignorant qui a confié à un incapable la conception du défilé inaugurant la Coupe du Monde alors que nous avons en France un magnifique créateur de fêtes urbaines, Jean-Paul Goude? Spectacle hideux, languissant, sans une pointe d'esprit, qui salissait l'image de Paris si beau quand on l'apercevait. Et les commentateurs qui se confondaient en dithyrambes! Le public a salué le défilé comme il convenait, par un silence glacial. Il paraît qu'il a eu un milliard de spectateurs dans le monde. Drôle de publicité. Heureusement pour notre réputation, l'équipe de France a entamé son parcours par une jolie partie contre l'Afrique du Sud, avec un jeu élégant, délié, efficace, 3 à 0, pourvu que ça dure! Le jugement du syndicat SUD-Education sur la Coupe : «Une entreprise capitaliste du divertissement, de l'amusement et de l'abrutissement programmé.» Un langage de terroristes intellectuels des années50. En Algérie, les filles se sont emparées du foot et en font l'instrument de leur libération. Vingt-cinq équipes se sont formées. Un documentaire d'Arte nous en a montré deux, des filles battantes, joyeuses, qui font leur prière mais jouent en short ? ce short qui, selon le FIS, doit condamner à mort celles qui osent le porter : «Si mon père me voit avec un garçon, il me coupe la gorge», dit l'une en mimant le geste. Mais le foot, pères et frères l'avalent apparemment, frères surtout. C'était, franchement, émouvant à voir. Pour terminer la saison, l'équipe d'«Arrêt sur images» s'est soumise à la critique d'un médecin, Claude Got, fanatique de l'émission, ? il en a vu cent trente-six ? et de Philippe Gildas qui, exceptionnellement, l'animait. Daniel Schneidermann et les siens furent malmenés, souvent à juste titre. Il reste que cet observatoire de la télévision est salutaire. Brigitte Bardot : c'est toujours un plaisir de la revoir, succulente, surtout dans un bon film, en l'occurrence «le Mépris» de Jean-Luc Godard. Deux documentaires suivirent : c'était trop. Ces visites guidées du monument Bardot sous les auspices de sociologues jargonnant faisaient penser au conseil de La Bruyère : «Vous voulez dire qu'il pleut? Dites il pleut.» Mireille Dumas a composé un pot-pourri de ses émissions, du duc de Brissac aux sectateurs de Claude François. Hétéroclite. Retenu au passage, Pierre Botton parlant de ses prisons : «J'avais perdu pied avec la réalité. Trop d'argent, trop de réussite, trop de tout. Je me sentais au-dessus des lois. L'expérience de la prison m'a détruit. Vous devenez fou, seul en face de vous-même. Celui qui peut se dire : Je ne mérite pas ça" va trouver un adversaire. Moi je ne me suis jamais dit ça. Je me bats avec moi-même.» En un temps où se retrouvent en prison des gens stupéfaits d'y être, c'est un témoignage qui en intéressera quelques-uns. Le dimanche, en fin de journée, on peut zapper du «Grand Jury», sur LCI, de «Public» sur la Une, pour tester les hommes politiques. Toubon, vif, s'est payé Sarkozy. «Quand je vois Sarkozy en face de moi jouer l'arbitre des faveurs chiraquiennes, j'ai intérieurement un petit sourire.» On s'adore à droite ou règne, selon lui, «désordre et désarroi» . Edouard Balladur a décrit les devoirs de L'Alliance : «Il faut être crédible. Faire des contre-propositions.» Par exemple, créer une commission où siégerait le Front national pour débattre du principe de la «préférence nationale». Qui a ses faveurs. Ah! Le bon apôtre qui va, main tendue! A propos du Premier ministre dont la cote l'ulcère : «Pour être populaire, il suffit de ne pas se préoccuper de l'avenir de son pays.» Oh! M. Balladur! N'avez-vous pas été populaire, vous aussi, en d'autres temps? Numéro étourdissant de «Capital» qui commençait sur les autoroutes et finissait sur les campings en passant par les maisons à vendre à Marrakech. On en sortait gavé de chiffres, rompu. Les jeunes dames qui perçoivent votre dîme sur les autoroutes gagnent 60francs de l'heure, 80francs le dimanche, et doivent se plier à des horaires variables. Faites-leur l'aumône d'un sourire. F. G. "

Jeudi, juin 18, 1998
Le Nouvel Observateur