«Le coupable, c'est moi, c'est moi!»
DSK s'est bien comporté devant PPDA, mais sa tension était si visible qu'elle faisait mal. «Arrêt sur images», émission agaçante quelquefois mais saine dans sa rage à ne rien laisser passer, a mis en accusation la façon dont la presse télévisuelle a traité toute l'affaire. Il y avait un peu de mauvaise foi dans la critique mais beaucoup de vérité aussi. Pourquoi les «journaux» ont-ils tous unanimement fait leur ouverture, un soir, sur DSK et Karl Lagerfeld? Esprit de persécution? C'est pire. C'est parce qu'ils ont tous puisé leur information à la même source : «l'Express», sans la vérifier. L'ennui est qu'elle était fausse. N'importe. Le public l'a avalée. Bombardés d'images et d'écrits dont l'intention était, aux yeux d'«Arrêt sur images», à peine dissimulée ? en gros, escamoter Chirac derrière DSK ?, où en est le spectateur, le lecteur, l'auditeur? Il pourrait finir par se dire : «Bon, DSK est léger, il perd ses clefs, ses papiers, ses cassettes, il avait plus de sollicitude pour les impôts de M. Lagerfeld que pour les miens, mais quel rapport ça a avec l'argent du RPR? D'où venait cet argent? Qui le touchait, le distribuait? A qui? Quel rôle jouait Chirac là-dedans, hein? Pouvait-il ignorer ce trafic de sommes énormes au bénéfice de son parti? Voilà ce que je veux savoir. Le président de la République doit être blanc-bleu?» L'idéal serait de trouver un homme de paille. Un collaborateur de Chirac à la Mairie de Paris qui pourrait passer pour avoir eu la haute main sur le trafic et qui accepterait de se sacrifier sur l'autel de la chiraquie, un Maurice Ulrich, par exemple, un saint de cette espèce qui crierait : «C'est moi, c'est moi, c'est moi. J'ai tout fait.» Mais il ne faudrait pas trop tarder. On commence à se boucher le nez en passant faubourg Saint-Honoré. Est-il bon, est-il méchant? Un peu les deux probablement, comme tout le monde, mais la physionomie publique de Jean-Marie Messier est telle qu'on peine à l'imaginer autrement que comme un grand prédateur, avec des griffes, des crocs, des oreilles pointues. Il n'est pas, et de loin, le plus riche de nos fauves nationaux mais, à 43 ans, avec ses 250000 employés, il est devenu en France le symbole du capitalisme moderne, l'Entrepreneur du Net. Alain Touraine, le sociologue, le compare à André Citroën, ce qui n'est pas rien. Quand il est apparu chez Pivot, on a vu un petit frère de Philippe Bouvard. Rien, il faut bien le dire, qui inspire la terreur. Il présentait son livre, «J6M», qui fait assez bien pénétrer dans les secrets des négociations réussies ou ratées entre grands monstres. Quelque chose passe dans ce livre : la vitalité de Messier. Alain Minc étaitlà pour un essai brillant, «www.capitalisme.fr». Il fut clair qu'on n'allait pas, dans cette émission, parler de l'amour chez Stendhal. Pivot tenait deux cracks de la nouvelle économie, il n'allait pas les laisser deviser gaiement. Il voulait un cours magistral, il l'a eu, nous l'avons eu, avec le sentiment troublant que Minc et Messier parlaient soudain sud-coréen. Impénétrables! Alors quand Alain Touraine, qui n'avait pas dit trois mots, a murmuré: «Tout cela au service du capitalisme! Un monde qui ne parle plus de rien d'autre?!» , on a eu envie de l'embrasser. Deux punaises exécrables ont empoisonné durablement la vie des étoiles d'Hollywood par leur industrie : le ragot. Celui qu'on écrit. Celui que l'on menace d'écrire. Elles se nommaient Louella Parsons et Hedda Hopper, la première était journaliste chez Hearst, diffusée dans les 600 journaux du groupe. Témoin d'une tentative d'assassinat de la part de Hearst, elle avait reçu pour son silence un engagement à vie. L'autre punaise écrivait sa rubrique people au «Los Angeles Times». Ingrid Bergman était l'une de ses proies. Elle l'a persécutée. Mieux : elle a eu la peau de Chaplin, attaqué sur sa vie privée. Il en est arrivé à quitter pour toujours les Etats-Unis. Drôle de paradis, Hollywood? Et gare aux punaises partout (Arte). F. G.
Jeudi, octobre 5, 2000
Le Nouvel Observateur