Comme une jeune fille...

Elle était délicieuse, Dominique Rolin, avouant, à 80 ans passés, son amour pour Philippe Sollers
«Eh bien oui, [...] le Kosovo a été le théâtre d'un grand bouleversement : un peuple de 2 millions d'êtres est devenu libre. Les portes des maisons ne sont plus forcées, la nuit, par des criminels; les parents ne sont plus massacrés sous les yeux de leurs enfants; les petites filles ne sont plus violées devant leurs parents; les gens ne sont plus jetés, les mains coupées, dans des puits, [...] ne sont plus brûlés dans des fours [...]. Voilà le changement qui s'est produit au Kosovo.» J'emprunte ces lignes à Ismaïl Kadaré («le Monde» du 25mars). Elles sont pertinentes au moment où l'on radote sur le point de savoir si l'intervention était une erreur. Mais il faut aider Kouchner absolument. Avoir des hommes en nombre suffisant pour maintenir l'ordre, c'est une question d'argent, que diable! et seulement d'argent! Pourquoi en trouve-t-on toujours pour faire une guerre et jamais pour créer les conditions de la paix? Depuis que DSK a disparu du circuit, on savait qu'il fallait un patron à Bercy. La caractéristique des gens de la maison, c'est qu'ils se tiennent pour supérieurs au reste de l'humanité et se rétribuent d'ailleurs en conséquence. Pas faciles à réformer, ces seigneurs. Claude Allègre, créatif, courageux, estimable entre tous, mais trahi par son verbe qu'il ne contrôle pas, aurait dû évidemment décrocher avant que la rue ne prenne le commandement. Remarquez, ça a toujours été comme ça, l'Education nationale. Personne n'a jamais pu y toucher sérieusement, même pas de Gaulle. On se souvient du malheureux Michel Debré coiffé d'un entonnoir. Et Alain Peyrefitte, piteux, en 68, quand il voulait instituer la sélection. Et le pauvre protégé de Chirac, arrivant la bouche en cœur et éjecté en trois heures d'une manifestation monstre. Alors que faire? Attendre que l'école publique périsse sur pied? Ce n'est pas le genre de Jack Lang. Encore faut-il pouvoir agir. Or on voit bien que l'attitude la plus répandue aujourd'hui est l'insubordination. Personne, même à 10 ans, ne supporte plus qu'un autre lui dise la loi. Cela peut se comprendre, cela peut même s'approuver d'un point de vue philosophique. Mais en pratique, cela rend l'organisation sociale délicate à gérer. Il y a beaucoup de gens très bien dans la fonction publique, consternés, exaspérés, voire désespérés à l'idée que tout ce qui a été fait de positif va être balayé. Mais on n'en est plus là. Où en est-on au fait? Autrefois, ça s'appelait la chienlit. Ne pas croire que, ailleurs, les grands chefs font ce qu'ils veulent. Réunis par le procureur Schneidermann pour que leurs atrocités supposées ? censure, directives éventuellement politiques ou commerciales ? soient jugées, quatre patrons de télévision ont dit d'une seule voix : «Vous n'y êtes pas du tout, mais alors pas du tout!» Il y avait là Etienne Mougeotte (TF1), Pierre Lescure (Canal+), Jérôme Clément (Arte), Marc Tessier (France Télévision). Pierre Lescure trancha la question d'une phrase :«On laisse toute liberté, les gens font ce qu'ils veulent, on a seulement le droit de donner son avis a posteriori?» Dominique Rolin a toujours eu un charmant visage et un sourire éclatant que les cruautés de l'âge ont épargnés. C'est une vieille dame rieuse qui nous a raconté, chez Pivot, sa vie. A 40 ans, veuve, elle rencontre un jeune homme de 23ans, Jim. Coup de foudre? Pas exactement. «Sensation d'adhésion totale.» Ce ne serait pas très original si l'adhésion ne durait depuis quarante ans. Quarante ans! Là, Pivot vous fait la surprise du chef : Jim est là, mais non, mais si, c'est lui qui jette ses regards en coulisse à Dominique, qui baisse les yeux, pudique, quand elle le décrit comme un homme en tous points supérieur, Jim, c'est Philippe Sollers. Ces minauderies auraient pu être ridicules sans la grâce de cette femme dont la liaison avec Sollers n'a pas été en propres termes secrète, mais pas publique non plus. Sa joie d'être là avec lui, le regardant avec les yeux de l'amour, laissant paraître leur longue intimité, avouant que son bonheur a été parfois obscurci par la jalousie? Elle était délicieuse, un véritable concentré de féminité, heureuse à 80 ans passés comme une jeune fille le soir de ses fiançailles. F. G.

Jeudi, mars 30, 2000
Le Nouvel Observateur