Sur les enfants abandonnés, imagine un faux dialogue sur l'histoire d'un enfant abandonné, et adopté puis réclamé par son père biologique (procès au tribunal d'Annecy) « mais aucun tribunal ne condamnera M. Ben Sacoun. Aucun tribunal ne condamnera Maurice
Chaque année, deux mille mères confient leur enfant à l'Assistance publique
Par Françoise GIROUD
ET si l'on s'occupait un peu des pères ?
A quoi bon épiloguer sur les enfants abandonnés et sur les mères au coeur déchiré, pleurer sur la petite Martine, s'attendrir sur le petit Guy, si l'on ne fait rien pour empêcher que cette année comme l'année dernière cent femmes longent la rue DenfertRochereau, pénètrent dans l'hôpital SaintVincentde-Paul, évitent du regard la pancarte où on lit : ''Maman, ne m'abandonne pas !'', et ressortent, toutes durcies de haine contre elles-mêmes et contre la société, mais débarrassées pour toujours d'un petit Guy ou d'une petite Martine ?
Si l'on ne fait rien pour emp^cher deux mille femmes de ''confier'' cette année leur enfant à l'Assistance publique ?
Si l'on ne s'occupe pas un peu des pères ?
Ils ne sont tout de même pas nés par l'opération du Saint-Esprit, ces enfants, et l'hypocrisie de la foule dont le coeur est si prompt à s'émouvoir devant quenottes et menottes n'a d'égale que son inconséquence.
Les petits enfants deviennent grands. Alors ils font des bêtises et d'autres petits enfants par la même occasion, qui à leur tour deviendront grands.
Pourquoi serait-il plus urgent de les sauver à quinze mois qu'à quinze ans ?
Georgette Obers avait quinze ans et demi lorsqu'elle rencontra Félix Ben Sacoun, négociant qui en avait trente-six. Résultat : un bébé. Ce n'est pas original.
L'homme est marié, ce qui n'est pas original non plus.
Elle est ce qu'on appelle une jeune fille de bonne famille.
Il arrive malheureusement que les bonnes familles aient de mauvaises habitudes : celle de divorcer par exemple en laissant leurs enfants s'élever comme ils peuvent.
Pour son excuse, Georgette a dit : ''Personne ne m'aimait...''
Elle se réfugie auprès de ses grands-parents. Et le grand père, sitôt né le petit garçon, n'a rien de plus pressé que de le porter à l'Assistance publique et d'annoncer à Georgette que son enfant est mort.
C'est ce qu'on appelle ''étouffer le scandale''. Mais le scandale avait une solide constitution.
L'enfant est adopté par les Châtel, de simples et braves gens chez qui il vit heureux et adoré. Tellement adoré que pour lui éviter la tristesse d'être fils unique, ils adoptent ensuite une petite fille.
Et un jour, six ans plus tard, un monsieur fort agité arrive et déclare :
- Vous êtes bien aimable d'avoir pris soin de mon fils, mais le père, c'est moi.
C'est vrai. C'est lui. Il a divorcé et il a épousé Georgette.
Mes compliments, monsieur. Vous avez droit à l'admiration générale et à un bravo d'encouragement. On n'avait jamais vu ça...
- Pardon, répond M. Châtel. Le père, c'est moi. J'ai adopté cet enfant de la façon la plus régulière, et je ne vous connais pas.
Le tribunal d'Annecy aura à décider au mois d'octobre lequel, du vrai père ou du faux, mérite qu'on lui laisse l'enfant. Un jugement que seul le roi Salomon, dans son infinie sagesse, pourra inspirer.
Mais aucun tribunal ne condamnera M. Ben Sacoun. Aucun tribunal ne condamnera Maurice Souchu, le père de la petite Martine, marié lui aussi, qui expliqua à Marcelle Bouteloup - dix-huit ans - comment on passe le temps en vacances.
Au contraire. Pour un peu, on les féliciterait, on leur taperait sur l'épaule en leur disant : - Sacrés farceurs...
Avec des clins d'yeux complices et des sousentendus grivois.
On se demande vraiment pourquoi ils se priveraient de distractions si commodes, puisqu'ils ne risquent rien. Un homme marié ne peut pas, même s'il le désire, reconnaître en France un enfant né hors du mariage.
Alors !