Cette grande envie de fascisme...

Les ignominies de la Cagoule? Quelque chose de pareil peut-il se reproduire?
Parité: le ton monte? Yvette Roudy insultante, Sylviane Agacinski tranchante («le Monde»), Elisabeth Badinter vibrante (LCI). Voilà que deux camps antagonistes se sont formés. L'un soutient âprement l'amendement à l'article 3 de la Constitution tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, celui qui «favorise l'accès des femmes, etc.». L'autre objecte ? je résume ? qu'il est choquant et dangereux d'inscrire dans la Constitution deux catégories de Français, les femmes et les hommes, alors qu'il n'y en a qu'une : les citoyens. On a daubé sur les sénateurs, hostiles à l'amendement de l'article 3. Ce que certains suggèrent est, cependant, de bon sens : obliger les partis politiques, sous peine de contraintes financières, à présenter un nombre égal de femmes et d'hommes aux fonctions électives (Robert Badinter). Mais il n'y a peut-être plus de place pour le bon sens. On savait depuis la guerre de Bosnie que le point chaud suivant, dans les Balkans, serait le Kosovo, petit pays peuplé à 90% par des Albanais. Tito lui avait accordé une large autonomie. Le dictateur serbe Milosevic lui a imposé un régime autoritaire dur. La révolte devait éclater. Elle a fini par s'incarner dans une organisation armée, l'UCK, forte de 10000 hommes, qui réclame l'indépendance du Kosovo. Guerre de «libération», réfugiés, atrocités, menaces de l'Otan, offensive diplomatique, tout a été dit et montré à ce sujet. Reste que ce conflit met en jeu des émotions, des sentiments profonds, des pays voisins, l'Albanie, la Macédoine, des méthodes avec lesquelles on ne peut pas transiger. Avec l'ambition d'en rendre compte le plus clairement possible, FR3 a fait un bon travail d'information, copieux et sobre. William Karel est un documentariste de premier ordre. Son travail sur «la Cagoule, complot d'extrême droite» méritait d'être rediffusé (Arte). Le récit des ignominies de cette conjuration qui recrutait parmi les ingénieurs et les cadres de l'industrie, le détail de ses crimes restés quasiment impunis, le nom de ses financiers, Michelin, Gibbs, Renault, Ripolin, L'Oréal, complices objectifs d'assassinats en vue d'une prise du pouvoir, cette grande envie de fascisme qu'ils avaient tous, ah! Mussolini! ah! Franco! Cela ressuscitait ces jours tumultueux des années 30 où la République fut vraiment en danger? Quelque chose de pareil peut-il se reproduire? Pas demain matin. Mais après-demain? Que ne faut-il pas s'infliger pour torpiller l'Europe! Charles Pasqua était, à l'émission de Christine Ockrent, dans un état d'ennui profond, et presque d'humiliation, à se voir obligé de pinailler au sujet de la chasse aux oiseaux migrateurs. Il resta maussade à propos des agriculteurs et des automobilistes français qui vont acheter leur voiture en Hollande où, à marque égale, elles sont moins chères. Ce n'est pas épatant, l'Europe? Beuh? Il ne retrouva du tonus que pour grommeler : «L'euro va mal mais il n'est pas irréversible. Ce que le peuple a fait, le peuple peut le défaire.» Allons bon! Réduit d'un tiers, le document de Claude Ventura sur Scott Fitzgerald eût été émouvant. Etiré sur 90 minutes, il fut languissant. Il narrait la déchéance du romancier de «Tendre est la nuit», immensément célèbre à 30 ans, peu à peu noyé dans l'alcool, ruiné, cherchant en vain le salut comme scénariste à Hollywood, mort enfin à 44 ans dans une chambre d'hôtel. C'est lui qui demandait à son copain Hemingway :«Qu'est-ce que les riches ont de plus que nous? ? L'argent!», répondit Hemingway. Dommage que, fasciné par son personnage, Claude Ventura n'ait pas serré son récit. Vu deux femmes remarquables à «Droit d'auteurs», Claudine Cohen sur «les Origines de l'homme», et Michèle Detœuf sur «Sexe et savoir». Ce fut un plaisir de les entendre. Peut-on avoir les dents plus longues? Se montrer plus avide de pouvoir? Plus insolent à l'égard de ses anciens alliés de l'UDF? Plus assuré d'être le futur Premier ministre de Jacques Chirac à la tête d'une droite triomphante? Nicolas Sarkozy, chez Michel Field, avait l'air d'une caricature de Sarkozy par les Guignols. F. G.

Jeudi, février 18, 1999
Le Nouvel Observateur