A cent mètres de chez nous...

Ce qui se passe avec les prostituées venues de l'Est est infâme. Mais qui les défend?
Un poète ne meurt jamais. Le vrai est que Charles Trenet s'est absenté, le temps d'aller chevaucher le soleil et la lune... Les éleveurs, franchement, on les comprend. Atteints dans leurs revenus, gravement, par cette trop fameuse vache folle, atteints dans leur moral quand ils doivent abattre un troupeau dont ils connaissent chaque bête mais aussi quand les stocks d'invendus s'accumulent, et comment on s'en sortira de cette terrible histoire, comment? Ce n'est la faute de personne en France mais cela peut tourner mal, très mal. José Bové joue avec les allumettes. Pierre Mendès France disait toujours que les seules révoltes dont il avait peur étaient celles du monde paysan. C'est drôle ce qui s'est passé à l'Elysée. Le commandement des opérations électorales est passé entre les mains de Bernadette Chirac, elle décide, elle agit, elle n'écoute personne, ni son mari ni sa remuante fille. Elle va, de ville en ville, apporter sa présence au maire qu'elle entend soutenir. Non, elle n'emmène pas encore Douillet, mais elle en est capable. Le chef de file de l'opposition, c'est elle. Sous sa pelure de bourgeoise haut de gamme, elle a du caractère, des nerfs, une formidable expérience après quarante ans où elle a observé son mari au cœur du jeu politique. Aujourd'hui, elle a pris la main. Restons-en un instant aux élections municipales à Paris. Quelqu'un aura-t-il le courage d'aborder le problème des prostituées, importées de l'Est le plus souvent, il y en aurait 5000 sur les boulevards des Maréchaux (voir ce qu'en écrit Françoise de Panafieu dans «Ne jetez pas la démocratie avec l'eau du bain»). Dans leur pays d'origine, des hommes ont proposé à ces jeunes femmes un petit travail en France, en Italie, elles y ont cru et se retrouvent prisonnières d'un réseau impitoyable. La prostitution, ce n'est jamais drôle, là c'est carrément de l'esclavage, elles sont battues, vendues, souvent elles traînent le sida, sans soins. Ce n'est pas facile, certes, d'intervenir là-dedans, il faut ménager la liberté du consommateur qui ne fait pas, lui, le délicat, mais si on ne bouge pas un cil, qu'on ne nous casse plus les oreilles avec les droits de l'homme en Afrique australe. Ce qui se passe à cent mètres de chez nous est infâme. Arte s'est penchée sur l'argent. Non celui qu'on gagne, ou celui qui manque, mais celui qu'on se dispute à propos d'un héritage, d'un divorce, c'est féroce. A travers les confidences recueillies en France et en Allemagne, où les relations avec l'argent sont à peu près analogues, on voit comment ce dieu universel sert à la fin d'instrument pour assouvir de vieilles haines. Une bonne émission encadrée par deux «plateaux» franco-allemands où chacun parlait sa langue. Insoutenable plus de dix minutes, quelle que soit la qualité des participants. Echantillons de nouvelles trouvailles américaines pour «faire de l'audience», sur France3. Nouvelles, vraiment? Nous n'en sommes pas loin. Là-bas, on met deux personnes sur un plateau et on les encourage à «vider leur sac». Plus ces personnes se détestent, plus elles s'engueulent, plus le public se délecte. Ça, c'est une tranche de vie! Plus provocant, et insupportable, le reportage diffusé dans le «Sept à huit» de TF1, dimanche, consacré aux aveux d'un tueur en série. Au nom de quoi faut-il faire entendre aux foules avant le dîner les aveux détaillés d'un assassin maniaque? Au nom du caractère «sacré» de l'information, peut-être! Quand on vous montre, de surcroît, la pelleteuse déterrant les ossements de l'une des victimes, on a envie de vomir. A ma connaissance, Dominique Baudis, président du CSA, n'a pas été incommodé. Ces malheureux jetés sur la côte varoise, enfants aux yeux exorbités, femmes enceintes jusqu'aux yeux, avaient payé 4000dollars par tête contre la promesse d'être débarqués «n'importe où en Europe». Imagine-t-on bien ce que ça veut dire, quelle peur il faut avoir de la police, de l'armée, de ses voisins, de l'avenir pour fuir son pays dans ces conditions? Maintenant, avec un peu de chance, les hommes deviendront gardiens de nuit, les femmes feront des ménages n'importe où. Chienne de vie. Claude Allègre enseigne à l'Université de Pasadena, aux Etats-Unis. Il y est fort considéré, bien payé, bien logé, heureux, en somme, comme on l'a vu sur la Une. Cela fait plaisir. Mais il crache sur Jospin, sur Jack Lang. Un peu de classe M. Allègre, un peu de classe s'il vous plaît. F. G.

Jeudi, février 22, 2001
Le Nouvel Observateur