Cet étrange domaine où les honnêtes gens comme les fripons doivent se garder de poser le pied
Mais qu'est-ce qu'ils ont, les conseillers de l'Elysée, pour se gourer tout le temps? Jean-Paul Delevoye a été choisi pour briguer la présidence du RPR parce qu'il était indemne de «parisianisme». Pour un peu, Claude Chirac l'aurait fait photographier avec de la paille dans les souliers. Le «candidat du président» a dû avaler son chapeau. Michèle Alliot-Marie, qui les a tous mis KO, a de la poigne, elle a montré qu'elle était bonne stratège. Elle est à droite toute, le gaullisme social façon Séguin, ce n'est pas son truc. Il faudra attendre quelques vols au-dessus de son nid de machos pour voir si elle préside le parti endolori ou si, vraiment, elle le conduit. Ces réformes de la justice qu'Elisabeth Guigou marchande ligne à ligne, et qui ont fait l'objet d'une bonne «Marche du siècle», on se sent incapable d'en trancher. Sur le principe, c'est facile. Bien sûr, on est pour l'indépendance des juges et pour la présomption d'innocence, mais qui retiendra les juges d'abuser de leur pouvoir, ce qui est dans la nature de l'homme ? et de la femme ?, qui empêchera les secrets de l'instruction, largement partagés, de courir tout chauds dans les médias, clouant l'intéressé au pilori avant même d'être informé de ce qu'on lui reproche? Cela reste vague. Quelques politiques, Michel Pezet, Michel Noir, Gérard Longuet, Alain Carignon, qui ont eu tous des démêlés judiciaires, parfois des années de prison, sont restés dignes dans l'adversité mais, semble-t-il, brisés. La prison, c'est le Moyen Age en France. Il faut être intransigeant avec la corruption, le délitement accéléré de la morale sociale. Là aussi comment ne pas souscrire au principe? Seulement, tous les participants à l'émission, magistrats y compris, ont reconnu qu'il n'y a pas égalité entre l'accusation et la défense, que celle-ci est toujours handicapée. On dit cela comme si c'était une donnée de base, déplorable assurément mais immuable. Et cela se nomme la justice? Rarement on a senti davantage l'impuissance du citoyen, l'étrangeté de ce domaine glacé où il faut se protéger de poser fût-ce le bout du pied, tant il est plein de pièges et de traîtrises, pour les honnêtes gens comme pour les fripons. L'emploi? On sait que cela va plutôt bien aux Etats-Unis, et même très bien puisque le chômage tourne autour de 4%. La société américaine est donc, dans certains secteurs, en panne de main-d'œuvre. («Envoyé spécial»). Le capital humain faitdéfaut. Il faut savoir l'attirer et, quand on y parvient, le conserver alors qu'il est volatil. AAtlanta, en Géorgie, un entrepreneur, Revenu Systeme, a imaginé d'offrir une BMW à tous ceux qui acceptent un emploi chez lui. Tout est payé, la maintenance, l'assurance, sauf l'essence. Si l'employé s'en va, on lui reprend la voiture. Une rangée de BMW s'allonge devant la porte des bureaux. Le personnel a doublé. D'autres entreprises offrent d'autres avantages : des assurances santé, des stock-options, des crèches, des services domestiques divers. N'importe quoi pourvu qu'ils restent? Tous sont conscients de vivre une situation fragile. Il peut y avoir une récession : un emploi pour la vie, c'est fini. Mais pour le moment la machine tourne et les entraîne. En BMW. Un beau documentaire animalier, cela vaut tout le reste. La variété de la nature, sa cruauté, ses malices, sa beauté bariolée. Canal+ a fait son marché chez Dennis Kane. Une série magistrale de cinq films, budget énorme, s'est ouverte avec des éléphants de mer, des manchots, des albatros, ces oiseaux dont les couples se gardent fidélité pendant toute leur vie, qui couvent onze semaines, sept jours l'un, sept jours l'autre, dans une parfaite égalité des tâches. Somptueux. En revanche, Canal cafouille tristement sur sa nouvelle chaîne info. A LCI, on rit. F. G.
Jeudi, décembre 9, 1999
Le Nouvel Observateur