«L'Origine du monde» de Courbet est aujourd'hui à Orsay, offert à tous. Mais ce sexe de femme, quelle histoire!
Ce sexe que Lacan cachait? Arte a prudemment choisi l'heure où les enfants dorment, et bien des adultes aussi, pour nous montrer longuement le célèbre tableau de Courbet, «l'Origine du monde». Célèbre parce qu'il a toujours vécu caché, célèbre par son sujet, un sexe de femme, ouvert, cadré de telle sorte que le reste du corps est à peine esquissé. Pas de visage, pas de cuisse, pas de torse, un sexe. On sait que le tableau a été fait pour un célèbre collectionneur turc installé à Paris, qu'il a été vendu à un baron hongrois, dissimulé sous un paysage, qu'il est revenu de Hongrie en 1948 où Jacques Lacan en a pris possession et l'a enfermé derrière deux panneaux à glissière peints par Masson. Ainsi était-il accroché, pudiquement, dans le bureau de Lacan à la campagne. Devant de rares élus, les glissières étaient quelquefois tirées. C'est un chef-d'œuvre. Les héritiers de Lacan l'ont donné en dation à l'Etat. Il est accroché aujourd'hui à Orsay parmi d'autres Courbet, appartenant maintenant à tout le monde. Et c'est bien ainsi. Tout a commencé comme un hold-up. Le plus gros a sorti son colt et a tiré, le plus petit s'est effondré, le troisième a fait celui qui résistait? ? et a appelé au secours. Ainsi s'est déroulée, de façon d'ailleurs inintelligible, l'affaire des trois banquiers. Maintenant, des nuages se déchirent, en particulier grâce aux rares journalistes qui savent parler clairement de ces choses-là (sur LCI par exemple). On apprend que nous avons changé de capitalisme, que les banques françaises n'ont pas de capital. Elles n'ont les moyens d'aucune stratégie financière, le capital désormais se lève, quand on en cherche, auprès des fonds de pension qui investissent partout ? leur présence dans les entreprises françaises est écrasante ? et ces retraités-actionnaires exigent un «retour sur investissement» substantiel. Entre 10 et 15% est la règle, qui opère forcément au détriment des salaires distribués par l'entreprise. A partir de quoi les ego gros comme des maisons de nos trois banquiers français, incapables de s'entendre pour unir leurs forces, laissent une pénible impression. Gavés d'athlétisme. C'est la suprématie des Noirs qui a frappé, sans que l'on sache bien s'il s'agit d'une aptitude particulière ou de la force que donne la volonté de pousser la seule porte, avec le jazz, que vous offre la société pour y respirer. En tout cas, le résultat est là. Il n'y a plus qu'un sprinter blanc dans l'équipe des Etats-Unis. Une jeune coureuse française, blanche, mortifiée après un mauvais résultat, a eu un échange piquant avec la ministre des Sports. «On a pu admirer votre courage» , dit celle-ci en pleine langue de bois. «Je ne cours pas pour qu'on me trouve courageuse, a répondu la coureuse, sèche. Je cours pour être devant.» S'il l'a dit? Bien sûr, il l'a dit. Comme de Gaulle, comme Mauriac? «La puissance du lobby juif», c'est un classique de la culture française. Mitterrand l'a sucé avec son biberon. Et j'entends encore Mauriac en deviser avec Jean Cau. Mitterrand ne supportait pas qu'on lui parlât de Bousquet. Qu'il se soit un peu lâché en face de son académicien préféré, en lui faisant cette misérable réponse, il n'y a pas de quoi épiloguer. Plus étonnant : que Jean d'O exhume aujourd'hui cette phrase. On a l'impression que, comme disent les enfants, il n'a pas pu se retenir de faire dans sa culotte. C'était un plaisir, il y a dix ou douze ans, de regarder «Nulle Part ailleurs». De la télévision fraîche, joyeuse, baroque. Gildas, de Caunes, les Nuls, ils s'amusaient entre eux, alors on s'amusait aussi, c'était gai. Et puis, les années passant, NPA est devenue n'importe quoi. C'est l'impalpable qui n'y était plus. Les jeunes gens de 18 à 25 ans (et de moins jeunes aussi) ont déserté Canal. Nagui a donc été chargé d'opérer en terre de mission. On était curieux de voir, lundi soir, si Canal+, un peu essoufflé, avait encore une capacité de création. Et si Nagui allait tomber sur son bon ou son mauvais côté. Il a les deux. Création : zéro. La promo d'un film, la promo d'un livre. Rien? Quant à Nagui, il avait un tel trac, le malheureux, émerveillé d'avoir l'honneur d'être animateur sur Canal+, qu'il en était touchant. Mais il ne tiendra pas deux ans avec ce numéro-là! F. G.
Jeudi, septembre 2, 1999
Le Nouvel Observateur