Bande de guignols!

Quand ces individus produits par la télévision, dont la tête ne passe plus dans les portes, se font la guerre
Treize centimètres, c'est un peu court, dix-neuf c'est parfait, de quoi s'agit-il? De la longueur moyenne d'un sexe d'homme en érection, grave sujet qui a littéralement envahi la vie américaine depuis l'arrivée triomphante du Viagra sur le marché. Un nombre considérable d'impuissants, qui se croyaient victimes de troubles psychologiques, ont retrouvé, avec la pilule bleue, la joie de vivre. Le documentaire de Planète ne faisait grâce d'aucun détail sur les raisons techniques pour lesquelles le Viagra fonctionne. Mais après cet hymne vint l'aveu. Le laboratoire qui fabrique la pilule bute sur un échec. Ses chercheurs cherchent, ils cherchent énormément, mais ils ne comprennent rien à la physiologie de la sexualité féminine, au désir ou à son absence. On met des femmes devant des films pornos pour étudier leurs réactions mécaniques. Et des chirurgiens ignorants continuent à sectionner, dans certaines interventions, de précieux petits nerfs en se disant qu'après tout une femme convenable doit être frigide. Bref, de ce côté-là, tout reste à faire. Heureusement, il semble que quelques femmes énergiques, dont une Néerlandaise, s'y emploient. Journée des Femmes oblige : Mireille Dumas a demandé à quatre ou cinq hommes d'inviter, le temps d'une conversation, une femme pour laquelle ils éprouvent? mettons une sympathie particulière. Pourquoi pas? Le couple Roselyne Bachelot-André Bercoff se prêta au jeu avec bonne humeur. Guy Bedos en compagnie d'une femme chef de cuisine, c'était gentil. Et puis, et puis on vit surgir, en face de Daniel Cohn-Bendit, Christine Deviers-Joncour. Malaise. Disons-le : ce n'est pas la femme que l'on aurait choisie pour une promotion spéciale, comme on dit dans les supermarchés. Emprunté, ce qui est rare, DCB a essayé de compenser en exhibant? une seconde femme, mieux adaptée à la situation. Mais tout ce numéro sonnait si faux qu'on a changé de chaîne. Il y a beaucoup de talent là-dedans, il faut le dire. Un talent violent. Méchants, les Guignols le sont souvent, mufles aussi, et pires que ça. On riait, ça passait. Ça ne passe plus. Et puis on a l'impression de voir tous les jours la même chose. Bref, les Guignols n'ont plus la cote d'amour. Alors, à l'annonce de leur départ, on s'est dit : Encore un coup de pub, ils ne savent plus quoi faire à Canal pour les regonfler. Mais c'était autre chose. Un coup de poignard dans le dos d'Alain de Greef, leur patron direct, leur père. Tout le monde doit un jour tuer son père. Eh bien, ils l'ont tué symboliquement. Maintenant, qu'est-ce qu'il va faire, le vieux, quand il découvrira qu'on le plaque,lui et sa chienne de chaîne, il va sangloter? Ha, ha, ha! Il n'a pas fallu trois jours pour que la paix revienne entre le père sévère et les lardons égarés. Qu'avaient-ils cru? Que Canal, sans eux, allait s'écrouler? Toute cette histoire n'est qu'enfantillages, entre cettecatégorie particulière d'individus essentiellement produits par la télévision, dont la tête ne passe plus par les portes. Françoise de Panafieu est députée RPR de Paris. Ce n'est pas ma tasse de thé. Mais elle a du courage, du panache, un vrai contact avec ses électeurs, qui ne sont pas les mieux nantis de France, et une ambition : elle veut pour Paris un maire dont elle puisse être fière et qui fasse l'union de la droite sur son nom. Pourquoi pas elle? Pourquoi pas, en effet, elle a une solide expérience politique, héréditaire en quelque sorte (papa et maman ont été ministres), elle a été élevée dans le respect des affaires publiques, ce n'est pas elle que l'on risque de retrouver dans une histoire pas nette d'office HLM, elle a donc fait acte de candidature à la candidature. Depuis, stupeur et tremblements, vociférations et hurlements, Tiberi suffoque, ses hommes s'étranglent, s'ils osaient, ils la tueraient, faute de quoi ils l'insultent, la virent... L'insulte, quand il s'agit des femmes, est le de-gré zéro de l'action politique, toutes le savent qui ont eu à l'affronter. Françoise de Panafieu les accueille avec son joli sourire de jeune grand-mère. En combat électoral, on peut la battre. En combat tout court, ils n'auront pas sa peau. F. G.

Jeudi, mars 9, 2000
Le Nouvel Observateur