Sur la création de l'académie française du cinéma
Nous y arrivons, nous y sommes... Dans quelques semaines, l'Académie française du Cinéma doit recevoir existence officielle par décret publié au journal du même nom, et déjà les listes circulent..
Les nouveaux académiciens seront quarante. Un chiffre qui a fait ses preuves.
Personne, sauf peut-être le concierge du quai Conti, n'est capable de citer plus de quinze membres de l'Académie française, mais ils sont tout de même quarante depuis 1635, et assez fiers de l'être.
Hélas ! le goût des honneurs n'épargnant pas plus les hommes de cinéma que les hommes de lettres, quarante d'entre eux trouveront dans leur Académie, l'occasion de recevoir la distinction la plus douce au cœur de l'homme : celle que le confrère n'a pas.
On leur prêtait des maîtresses, on leur donnera du Maître, on les admirait, on les chantonnera, ils se déplaceront en corps constitué, Fernandel en tête, pour les obsèques nationales, et pendant leurs réunions, au lieu de faire un dictionnaire, ils se feront des festivals.
Comme uniforme en guise d'habit vert, oserai-je suggérer le col roulé?
Une Académie, c'est exactement ce qui manquait aux gens de cinéma pour se prendre définitivement au sérieux, pour faire définitivement de cette grande flamme passionnée qui brûla les pionniers une pile qui ne s'use que si l'on s'en sert.
Les futurs académiciens du cinéma — quel que soit le choix qu'on en fera — se recruteront forcément pour l'immense majorité parmi des moins de cinquante ans.
Est-ce déjà l'âge de s'asseoir, fût-ce dans un fauteuil d'académicien, et de s'envelopper de bandelettes, fussent-elles de pellicule?
Ajoutez qu'une fois assis ils s'éterniseront !
Sur les quarante hommes de lettres qui se rencontraient en 1634 chez Valentin Conrart et auxquels, Richelieu donna l'immortalité en les réunissant en une institution nationale destinée « à asseoir le crédit de la France non seulement par la puissance de ses armes et de son unité mais par l'influence de sa langue et de sa littérature », quatre seulement cédèrent la place moins de dix ans plus tard. Et on n'avait pas encore inventé la pénicilline !
Les premiers académiciens du cinéma le seront donc pour longtemps et ceux qu'on laissera debout à la porte seront donc bien furieux pour le même long temps.
Nous aurons tous loisirs d'oublier les films des premiers avant que les seconds oublient l'affront qu'on leur fera.
La sélection initiale s'annonce douloureuse.
Si vingt ou vingt-cinq noms s'imposent, les autres se proposent... et se discutent. Pourquoi X plutôt qu'Y, et Y plutôt que Z?
« Pour moi, disait Guizot devant qui l'on parlait d'un candidat, je lui donne ma voix. Car enfin on a beau dire, je lui trouve les qualités d'un véritable académicien. D'abord il se présente bien, il est très poli, il est décoré, il n'est d'aucune opinion. Je sais bien qu'il a ses ouvrages. Mais que voulez-vous, on n'est pas parfait! »
Mais grâce aux innombrables hommes de lettres illustres qui n'appartinrent jamais à l'Académie française, les exclus ont à leur disposition tout un jeu de mots d'esprit déjà éprouvés destinés à fustiger les élus.
Et en trouvant certain nom sur la liste proposée par Jean Antoine dans un journal du soir, j'ai pensé irrésistiblement à cette épigramme : Quand X... se présente pourquoi donc tant crier haro? Pour faire un chiffre de quarante
Ne fallait-il pas un zéro ?
Mardi, octobre 29, 2013
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Cinéma