Ah ! Qu'en termes galants

Déplore l'usage que les jeunes femmes font de l'argot
''Si le garçon ne se grouille pas, on pourra se l'accrocher pour bouffer aujourd'hui...''
En entendant hier au restaurant prononcer, ces mots par une voix de femme, je me suis retournée pour chercher celle qui avait parlé.
Elle était jeune et charmante, vêtue avec goût, coiffée avec simplicité. Sous son sac, il y avait un livre de Giraudoux. Ses manières révélaient une éducation certaine. Hélas ! Un vocabulaire inqualifiable déparait le moindre de ses propos.
Elle ne paraissait d'ailleurs pas s'en apercevoir, pas plus qu'elle ne remarquait la gêne de son compagnon.
Parmi les nombreux emprunts que la femme moderne a fait à l'homme, l'emploi abusif d'un argot approximatif est certainement, l'un des plus fâcheux. Il est généralement involontaire et provoqué seulement par un mimétisme inconscient.
À quinze ans, on est choquée et ravie par le vocabulaire de son frère. A seize ans, on parle comme lui, souvent encouragée d'ailleurs par un certain snobisme de la vulgarité. A dix-huit ans, on est amoureuse de Jean Gabin, et cela n'arrange rien.
Lorsque la langue n'est pas abîmée par un argot peu esthétique, elle est déformée par l'emploi de ces expressions qui connaissent sporadiquement une vogue extraordinaire. Tout devient alors ''formidable '' ou ''épatant ''. Ou « swing » !
Nous avons pourtant la grâce de posséder la plus jolie langue du monde. Pourquoi ne pas nous en servir ? Je ne vous propose pas d'employer à tout venant des imparfaits de subjonctif impeccables et laids. L'affectation est aussi déplaisante dans la distinction que dans la vulgarité. Elle risque en outre de vous rendre ridicule à la première erreur. Certains termes argotiques particulièrement savoureux ajoutent même parfois au charme d'une appréciation ou à la précision d'une description.
Mais « se grouiller pour bouffer », non ! Pourquoi ? Il est si facile de se presser pour déjeuner.
Il est malaisé de faire sa propre critique et de corriger son propre vocabulaire. Si vous savez cependant que vous avez tendance à employer ces fâcheuses expressions, demandez à ceux qui vous entourent de vous les signaler. Vous finirez par vous en défaire.
Les hommes les plus tolérants apprécient rarement la vulgarité dans le langage féminin. Le plus souvent, ils la désapprouvent hautement et sont désagréablement impressionnés lorsqu'une jolie bouche prononce de vilains mots. C'est leur faute ? Peut-être. Ce n'est pas une raison, au contraire, pour qu'ils pardonnent !
L'aisance dans l'élocution, l'exactitude dans le choix des qualificatifs donnent un charme rare à la conversation la plus banale. Langage fleuri au charme suranné, langage précis au charme sobre, formules heureuses qui réjouissent parce qu'elles expriment , l'insaisissable, la langue française nous apporte tout cela.
Ne vivons pas en avares à côté de notre trésor, et essayons de ne pas en fruster nos enfants. Ils nous en sauront gré à l'époque douloureuse des compositions françaises. Pourquoi Toto aurait-il « bobo à son p'tit venventre » au lieu d'avoir mal au ventre comme tout le monde ?
Efforcez-vous d'employer des mots simples et justes, d'éviter certaines fautes de français qui ajoutent l'inélégance à l'erreur. Rappelez-vous qu'une bonne Française ne saurait « solutionner un problème » mais qu'elle le résoud, qu'elle ne cause pas « à » quelqu'un, mais avec quelqu'un, qu'elle n'est en aucun cas « émotionnée » mais tout bonnement émue.
Lorsque vous lisez ou que l'on emploie devant vous un terme dont vous ignorez la signification exacte, n'hésitez pas à consulter un dictionnaire, puis à l'employer à votre tour lorsque vous l'aurez bien compris. C'est ainsi que vous enrichirez votre vocabulaire.
Si vos interlocuteurs ne sont pas toujours capables d'apprécier les subtilités de votre langage, ils subiront toujours le charme que dégage une parole nette et aisée, surtout lorsqu'elle est mise en valeur par une voix harmonieuse.
Et quel que soit votre sentiment après avoir lu cet article, ne l'exprimez pas, je vous en conjure, par un « on s'en fout » bien senti. « Je m'en moque » est aussi désagréable... et pas plus long !

Mardi, octobre 29, 2013
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