Sur les nouvelles règles de calcul du loyer, tentative des politiques pour convaincre les électeurs, sur fond de manque de logements.
Avez-vous ou n'avez-vous pas de débarras ?...
Munie de 70 pages du Journal officiel, d'une boussole, d'une échelle, d'un décamètre et d'une table de multiplication, j'ai eu la folle curiosité de vouloir calculer le loyer ''scientifique'' de mon appartement pour vous expliquer ensuite comment il fallait s'y prendre.
Parce que, peut-être l'ignorez vous, nous sommes en passe d'avoir désormais un loyer scientifiquement établi en multipliant la surface occupée par le nombre de placards divisé par l'âge de la concierge mais mis au carré, à moins que ça ne soit en divisant le nombre de fenêtres par celui des robinets, le tout porté au cube et multiplié par l'heure qu'il était quand vous avez loué l'appartement.
J'exagère à peine.
Seulement voilà : Avez-vous ou n'avez-vous pas de débarras ?
Cela change tout. ''Sont assimilés au débarras, écrit gravement le journal officiel, qui n'a pas l'habitude de plaisanter, les placards non situés à l'intérieur des pièces habitables.'' Qu'est-ce qu'une pièce habitable ? Là-dessus, il reste muet.
Et puis, si à la fin du calcul vous découvrez que le débarras est au midi, il faut tout recommencer. Parce que ça modifie le coefficient d'ensoleillement, comprenez-vous ?
Remarquez que si vous n'avez pas compris, le résultat sera strictement le même : si vous êtes locataire, vous payerez 25 % d'augmentation au 1er janvier 1949 pour commencer, débarras ou pas débarras.
Si vous cherchez un appartement, vous pouvez espérer en trouver un dans dix ans...
Si vous êtes propriétaire... Ah ! si vous êtes propriétaire, lisez donc attentivement le compte rendu des séances du Conseil de la République où l'on a discuté pendant huit jours le 82e texte connu sur les loyers avant de l'adopter et de le renvoyer à l'Assemblée nationale.
Vous y découvrirez par exemple que le ''parti communiste est le défenseur de la propriété, fruit de l'épargne et du travail.'' Mme Girault dixit.
Ce sont des choses qu'on ne peut pas deviner, n'est-ce pas ? Vous y apprendrez aussi que ''l'allocation de logement est une tentative de diminution de salaire'' (M. Marrane, communiste) et que ''si le logis du travailleur était accueillant les bibliothèques publiques seraient plus fréquentées.'' (M. Gerber, M.R.P.).
Mais, dans ce concours de déclarations à surprises, c'est M. Pierre Henri Teitgen, vice-président du Conseil et membre éminent du M.R.P., qui a décroché la timbale en se référant à saint Thomas d'Aquin, pour affirmer : ''La propriété est le droit d'user pour soi ds la mesure de sa nécessité des choses qui sont sa propriété personnelle mais avec l'obligation d'affecter le surplus au bien général, au service du bien commun.''
Il y a eu un froid. Un froid tel que la santé de M. Teitgen en a été, dit-on, momentanément affectée.
Les radicaux sidérés en ont profité pour affirmer avec force par la voix de M. Dulin : ''La propriété, pour nous, ne peut pas être un droit restrictif. Il est sacré. Nous l'avons toujours ainsi défendu.''
Car le problème n'est pas, comme vous pourriez le croire, de loger tout le monde, mais de persuader l'Electeur, avec une majuscule, que ses intérêts sont bien défendus.
Malheureusement, les intérêts des propriétaires et des locataires étant résolument contradictoires, les déclarations des élus le sont également.
Parce que, comme au jeu des chaises musicales, il y a toujours un locataire de trop.
Enfin, après avoir ainsi joué pendant huit jours à échanger des amabilités et des électeurs, ces messieursdames se sont séparés après une ultime séance qui dura du vendredi 6 août 15h. 30, au samedi 7 août 9h. 30.
Il faut reconnaître que pour conseiller la République, ils ne reculent pas devant le travail de nuit. Résultats pratiques ? .. Attendez, attendez, vous êtes bien pressés. Rien ne dit que l'Assemblée nationale acceptera ces conseils nocturnes. Alors, les uns recommenceront à discuter, les autres continueront à ne pas savoir où se loger, les troisièmes laisseront leurs immeubles s'écrouler, et ainsi, cahin-caha, on attendra la prochaine guerre, qui ne saurait tarder si les Russes continuent à se jeter par la fenêtre et si les Américains continuent à les ramasser.
Alors, toutes les maisons seront détruites et la question sera réglée.
Mardi, octobre 29, 2013
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