Un mort parle, oui, mais ce n'est pas de la boue qu'il remue. C'est de l'argent. Le vôtre, messieurs!
En a-t-on pris une copie au moins, ou deux? Au «Monde», sans doute, on y aura pensé. Sinon, en laissant le testament enregistré par Jean-Claude Méry aux mains de la justice, on sait à quoi on s'expose. Voir l'affaire Elf, où la moitié du dossier a disparu, volé dans un local ultra-protégé cependant. On peut être sûr qu'il y a aujourd'hui quelques personnes non dépourvues de moyens qui donneraient cher pour que la vidéo et les documents dont la trace aurait été retrouvée soient détruits à jamais. Quand on a entendu cet homme, que l'on savait membre de la camarilla RPR de Paris, on a eu un choc. Etait-il possible que ce tissu de combines et de comptes en Suisse sur lequel les juges d'instruction se cassent les dents depuis des mois tant il est difficile à pénétrer, était-il possible qu'il soit étalé, là, clairement décrit, avec des noms, des chiffres? Méry les connaissait, il en était le maître d'œuvre. Pourquoi a-t-il laissé cette bombe derrière lui ? On trouverait cette histoire superbe s'il s'agissait d'un film de Francis Coppola avec Chirac dans le rôle du Parrain. Malheureusement, elle ne peut pas être sans conséquences fâcheuses, même si tout est fait ces jours-ci pour nous persuader que la trésorerie clandestine du R.P.R. était en réalité alimentée par Dominique Strauss-Kahn pour revenir chez Karl Lagerfeld ! «On fait parler les morts , s'écrient, indignés, les Séguin, les Devedjian. On remue de la boue.» Un mort parle, oui, mais ce n'est pas de la boue qu'il remue. C'est de l'argent. Le vôtre, messieurs. On n'a pas envie d'accabler Jacques Chirac en ce moment. Mais quand même : il a tout faux dans cette affaire de quinquennat. Sa façon d'y entrer, franc comme un âne qui recule, le choix du référendum comme mode de consultation s'agissant d'un sujet notoirement indifférent à la population, sa méthode mémorable pour stimuler la fibre civique des citoyens ? que vous disiez oui ou non, ce sera sans importance? La réponse de trois électeurs sur quatre a été cinglante. Un non eût été fâcheux mais moins insolent. L'ACF (Action contre la Faim) a eu deux collaborateurs, une femme et un homme, retenus en otages en Somalie pendant cinquante-cinq jours. Nous n'avons pas fait de publicité autour de cette capture pour ne pas entraver les négociations, toujours difficiles. Ce n'est pas la première fois qu'une telle situation se produit. Cela a été le cas en Tchétchénie. L'otage est devenu un objet de marché. Comme tout ce qui est sur le marché, il a un prix. Et ce prix est en train de monter de façon vertigineuse. Il est coté 1 million de dollars aujourd'hui. Plus on en parlera, plus les télévisions se jetteront sur eux, et les journaux et les radios, plus les preneurs potentiels, c'est-à-dire n'importe quelle bande armée, se multiplieront. La publicité intensive autour de Jolo a été à cet égard désastreuse. Rien de tel pour encourager des vocations de preneurs d'otages. JO: on a eu de bons moments, le gentil Douillet toujours réconfortant, quelques belles images, et même quelques médailles d'or. Ces femmes et ces hommes de toutes les couleurs, de tous les pays, s'arrachant les tripes pour se transcender, et si heureux, si heureux quand ils l'emportent, c'est un beau spectacle. On aimerait mieux avoir de l'or en athlétisme ou en natation qu'en cyclisme ? encore que ce ne soit pas une spécialité négligeable ? mais Marie-Jo Pérec nous a laissés tomber. Ce n'est pas bien. On l'avait vue il y a quelques jours en Allemagne, à l'Est, avec son entraîneur allemand qui lui menait un train d'enfer. Elle parlait très vite, comme droguée. La gloire l'a détruite, cette jeune femme, on dirait, elle se prend pour la Callas, refuse d'habiter avec la délégation olympique. Peut-être se sentait-elle incapable de battre sa rivale australienne. Mais on ne part pas comme ça, comme une voleuse. Chez Pivot, on attendait le choc entre le chiendent de Christine Angot et le poil à gratter de Beigbeder. Mais celui-ci n'a pas eu envie de jouer son personnage et c'était sympathique. Privée d'adversaire, Christine Angot a joué le sien en solo. On ne peut pas dire qu'elle réserve beaucoup de surprises, cette jeune femme écorchée, plutôt agréable à voir, d'ailleurs, alors vite cela a fait plouf. Ce n'était pas grave. On les lira tout de même. F. G.
Jeudi, septembre 28, 2000
Le Nouvel Observateur