Une mesure d'hygiène mentale

Augmentation de la violence chez les jeunes qui illustre l'absence de surmoi chez ses meutriers, résultats des émissions télévisées où règnent la violence.
La lutte contre la violence chez les jeunes

Une mesure d'hygiène mentale

Il faut interdire la diffusion à la télévision des films violents avant 11 heures du soir.

Un professeur assassiné par un étudiant à Montpellier ; un enfant de 14 ans poignardé par un enfant de 15 ans à Marseille ; un adolescent de 16 ans tué, à Montereau, par un camarade de classe qui jouait avec le revolver dérobé à son père... Et qu'est-ce qu'on fait ? Des discours.
Ne voit-on pas que nous en sommes arrivés à un point d'une gravité extrême, et que les choses ne s'arrangeront pas avec des paroles ?
La cause de ces actes abominables est cependant claire : ces jeunes meurtriers n'ont pas de surmoi. Ils roulent sans frein. Ils ignorent la culpabilité, comme la maîtrise de leurs pulsions, parce qu'ils ne l'ont jamais apprise.
Leur école, l'école de tous, c'est la télévision, qui verse chaque soir ou presque sa dose de violence dans leur esprit ; leurs modèles, ce sont des tueurs ; leur climat, celui de la mort ; leurs objets familiers, des armes. Comment ne voit-on pas ce qu'il y a là de destructeur, de morbide, de proprement criminel ?
Les Etats-Unis, où les meurtres commis par les enfants sont plus nombreux encore que chez nous, sont en train de mettre au point un système compliqué où les téléviseurs seront équipés de boutons interdisant aux enfants l'accès aux films de violence. Il appartiendra aux parents de pousser ces boutons. Une façon d'arranger la vie de famille !
A ma connaissance, il n'est pas question d'adopter ici un tel système, qui exigerait d'ailleurs des investissements importants.
Mais il existe un moyen beaucoup plus simple d'aborder le problème. En interdisant purement et simplement la diffusion des films violents avant 11 heures du soir. Des intérêts seront lésés, certainement. Mais que pèsent ces intérêts face à l'intoxication d'un enfant ? Des adultes se plaindront. Mais certainement pas ceux qui ont des enfants et qui tremblent pour eux.
C'est une mesure d'hygiène mentale qu'il faut prendre, ou alors avouer qu'on baisse les bras, que devant un phénomène angoissant on se déclare impuissant.
La télévision diffuse le meilleur et le pire. Les films de fiction ne sont pas les seuls véhicules de violence. L'actualité tout entière est violente. Mais elle n'a rien de comparable avec la séduction qu'opère le film, la banalisation qu'il apporte au spectacle du sang, de la mort, du geste criminel, l'auréole qu'il donne au tueur, souvent un acteur populaire.
Je ne prétends pas qu'on éradiquera la violence chez les adolescents et les enfants en les privant de son spectacle. Mais les laisserait-on manger des friandises empoisonnées ? Toutes les études permettent de penser qu'une certaine télévision agit comme un poison. Ne sauverait-on qu'un enfant de l'intoxication à l'âge où il est encore temps, le jeu en vaudrait la chandelle.
Messieurs de la télévision, de grâce, mettez-vous d'accord pour éliminer de vos écrans les films de violence avant 11 heures du soir ; n'attendez pas de nouveaux drames ; assumez la responsabilité qui est la vôtre. Vous dirigez le plus grand théâtre de France. N'acceptez pas qu'il continue à fabriquer des enfants perdus.

F. G.

Mardi, octobre 29, 2013
Le Figaro