Suivez le guide !

Sur le salon de l'auto
Suivez le guide !

par Françoise GIROUD

PEUT-ETRE n'êtes- vous pas encore allé au Salon de l'auto, trente-cinquième du nom ?
Alors, je peux vous être utile en vous donnant quelques petits conseils pratiques :
Si vous circulez en voiture, il y a deux solutions:
Vous y rendre à pied.
Ou vous ranger à dix mètres du Grand- Palais en déclarant avec autorité à l'agent qui viendra vous informer que c' est
interdit : '' Exposant ''
Si, arrivant au stand Simca vous désirez savoir à quoi ressemble la Simca Six, il y a deux solutions.
Lire un article documenté dans une revue spécialisée.
Ou demander à la dame qui est devant vous de demander au monsieur qui est devant elle de demander à la dame qui est devant lui de lui raconter ce qu'elle voit pour qu'elle puisse transmettre au monsieur qui est derrière elle qui transmettra à ia dame qui est derrière lui qui vous transmettra.
Si vous mesurez plus de 1 m. 80 vous avez quelques chances d'apercevoir le toit de la 203 Peugeot.
Un bien joli toit, paraît-il.
Sinon, il y a deux solutions :
Admirer à la place, et subodorer par la même occasion, les nuques de vos compatriotes mâles et les plumes des chapeaux de vos compatriotes femelles.
Ou, pour les visiteurs qui auraient à la fois les pieds et le nez sensibles, marcher sur les mains.
Si vous êtes absolument décidé à regarder la 2 CV Citroën, deux solutions :
Aller la voir aux actualités.
Ou vous dissimuler à l'intérieur du Grand-Palais pour y demeurer après la fermeture. Dans ce cas, vous munir de deux jours de vivres.
Maintenant, si par hasard vous vouliez acheter l'une de ces voitures, il y a, bien entendu, deux solutions :
La demander bien poliment au fabricant par l'intermédiaire d'un concessionnaire.
Ou la demander bien poliment au bon Dieu par l'intermédiaire du curé de votre paroisse.
Les chances sont égales, mais la deuxième formule est nettement plus économique.
Au cas où vous aimeriez vous rendre possesseur d'une voiture de haut luxe, la Delahaye par exemple, ou la Rolls, qui vaut 16.000 dollars, soit plus de 3 millions et demi au cours officiel et de 7 millions au cours officine, vous avez encore deux solutions :
Epouser l'Aga Khan ou Barbara Hutton.
Ou commencer par acheter une traction avant pour attaquer avec succès un encaisseur.
Les deux méthodes nécessitent évidemment une petite mise de fonds.
Muni de ces quelques indications pratiques, j'espère que vous passerez un bon moment au Salon de l'auto. Il ne vous en coûtera que 80 francs et une migraine pour constater que la plupart des constructeurs ont sur l'anatomie humaine le même point de vue que la S. N. C. F.
Ils considèrent visiblement que la partie la plus charnue de l'individu est en proportion directe avec son compte en banque et qu'en deçà d'un certain revenu on a automatiquement les hanches minces, les jambes courtes, la tête dans les épaules et les épaules dans le dos.
S'ils continuent dans cette voie, il faudra qu'ils mettent également en fabrication une nouvelle race d'automobilistes. Ils auront alors le choix entre deux solutions :
L'automobiliste nain et orphelin.
Ou l'automobiliste pliant (une fois en long, une fois en large).
Ils trouveront d'ailleurs une inspiration précieuse au Salon d'automne où, moyennant 50 fr. et un bon rhume, vous constaterez que les peintres contemporains ont de l'anatomie une conception encore plus hardie.
Si par hasard vous désirez faire exécuter votre portrait
par l'un des artistes exposants, vous avez le choix entre deux solutions;
Poser devant lui.
Ne pas poser devant lui.
De toute façon, vous ressemblerez étrangement à une locomotive en pièces détachées qui serait tombée dans un arcenciel.
A propos de locomotives, il paraît que la grève des chemins de fer est... Mais, pardon, j'allais sortir du sujet. Et, sur celui-là, les conseils pratiques sont à peu près aussi efficaces que les conseils des ministres, qui ont naturellement le choix entre plusieurs solutions, dont la Ré (solution) et la Dis(solution).

Mardi, octobre 29, 2013
Carrefour