Sans titre

Allô ? La Délégation à l'Information ? Ici, Françoise Giroud, de L'Express. J'aimerais savoir s'il est bien exact que le rayon d'action de Concorde est trop court... » C'est ainsi que nous travaillerons, désormais. Dans le souci, émouvant, de faciliter le travail des journalistes, et avec le souci, légitime, de faire mieux connaître les actions positives du gouvernement dans divers domaines — les gouvernements ne font pas, en effet, que des sottises — une Délégation à l'Information vient d'être créée par M. Jean-Philippe Lecat, qui aura pour charge non seulement d'informer les informateurs, mais, selon les termes du Premier ministre, de leur fournir « les commentaires que ces actions (celles du gouvernement) peuvent appeler ».

M. Denis Baudouin la dirigera. Excellents hommes, excellente initiative qui devrait, théoriquement, épargner aux journalistes l'effort considérable que représentent la recherche et le contrôle de l'information, et aux ministres, présidents, directeurs de cabinet, personnes en place, l'effort de les recevoir. Cependant, pour bien comprendre ses effets, supposons que la Délégation à l'Information ait été en place en avril 1971.

Voici comment notre conversation se serait déroulée : « J'aimerais savoir s'il est bien exact que le rayon d'action de Concorde est trop court. — Cette rumeur, répandue par les Services secrets américains, est pure calomnie. Méfiez-vous de ceux qui la répandent : ils sont stipendiés. Sans vouloir vous influencer, ce qui est tout à fait étranger à notre propos, nous vous indiquons que 74 options ont été prises par 16 compagnies et que, au stade actuel des essais, il serait possible de fabriquer dès maintenant les premiers avions de série. » Cela est ce que, en termes propres, « Le Figaro », ajoutant foi, en l'occurrence, aux sources officielles, a imprimé le 20 avril 1971.

Le même journal, sous la même signature, rapportant cette fois le contenu du rapport de l'inspecteur général René Bloch sur les programmes de l'aéronautique civile, écrit, le 6 février 1974 : « Il (Concorde) a encore les pattes trop courtes (...). Il faut qu'il puisse avaler quelques centaines de kilomètres de plus. » Ce simple exemple fera peut-être comprendre à MM. Jean-Philippe Lecat et Denis Baudouin pourquoi les journalistes continueront à chercher une vérité parfois fragile ou incomplète, mais qui, du moins, ne porte jamais le nom hideux de propagande.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express