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FG dénonce le système électif français par lequel les Français « votent une fois tous les sept ans pour un homme, et une fois tous les cinq ans contre sa politique ».
Les Allemands ont voté pour M. Willy Brandt et sa politique. Les Anglais, quand ils voteront, soutiendront ou contesteront M. Edward Heath et sa politique. Ils garderont les deux ou les perdront ensemble. Les Américains, etc.
En France, nous avons mis au point un système tellement ingénieux que les Français votent une fois tous les sept ans pour un homme, et une fois tous les cinq ans contre sa politique. C'est probablement ce qu'on appelle être cartésien. Mieux : à chaque consultation, nous votons deux fois, ce qui nous permet d'introduire, d'un dimanche à l'autre, des nuances délicates dans l'expression de nos opinions. Et une confusion délicieuse dans les résultats pratiques des élections.
Ainsi, en mars 1967, 43,51 % des suffrages envoient 194 députés de gauche au Parlement. Mais, en juin 1968, 46,39 % des électeurs se trouvent représentés par 358 députés. Amusant.
Mieux : le dernier tour de l'élection présidentielle se joue obligatoirement entre deux candidats. Mais celui des législatives peut être triangulaire. Excellent moyen pour empêcher que les résultats coïncident.
Mieux : entre quelques consultations à deux tours, la procédure du référendum, à un tour, autorise de nouvelles ambiguïtés. On nous demande ce que nous pensons de l'Europe. Un Français sur deux conclut : « On me prend pour un imbécile. Ce qu'on veut me faire dire, c'est ce que je pense de Pompidou.» Il juge le procédé sournois, et ne se dérange pas. C'est ce qu'on appelle ratifier par une consultation populaire l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun. Amusant.
Ces incohérences apparentes ne vont pas sans traduire une certaine subtilité nationale qui apparaît dans le résultat des élections législatives. De 1956 à 1968, c'est-à-dire au cours de quatre consultations réalisées dans des climats fort différents, le total des suffrages recueillis par l'ensemble des candidats de gauche n'a jamais été inférieur à 41,96 % (1968) et jamais supérieur à 44,50% (1962), radicaux compris.
Les Républiques changent de numéro, l'Elysée change de titulaire et de fonction. Et tout se passe comme si, imperturbablement, la France rêvait d'avoir un président de droite qu'elle obligerait, en votant à gauche, à gouverner au milieu.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express