sans titre

A la veille d'un référendum sur le marché commun européen, FG mentionne le peu de passion qu'éprouve la société pour la question européenne. Elle se remémore les explications que lui fit un homme politique de gauche pour lui faire comprendre le danger de
Pour elle, des hommes se sont injuriés, des gouvernements ont éclaté, des frères se sont déchirés. Elle, c'était l'Europe, telle qu'on en parlait au début des années 50.
Ah ! que l'on y croyait, quand on y croyait, et quelle fureur pouvait vous prendre à voir une partie de la gauche laisser la droite confisquer le rêve européen alors qu'il aurait dû, bien évidemment, être le sien !
Mais non. J'entends encore tel homme de gauche, que je ne nommerai pas, expliquer à l'européenne de cœur, plus encore que de raison, que j'étais, qu'on ne saurait prendre le risque de soulever la classe ouvrière française, en souscrivant à la construction de l'Europe contre le gré de l'Union soviétique. Et je ressens encore cruellement mon impuissance à exprimer la conviction que la classe ouvrière avait alors d'autres chats à fouetter, et qu'il porterait, devant l'Histoire, la responsabilité de l'échec de la Communauté européenne. Il parlait bien. Je parlais mal. C'était un grand homme. J'étais une jeune femme. Et puis, a-t-on jamais influencé quelqu'un autrement que dans le sens où il le souhaite ?
Aujourd'hui, la passion est absente, semble-t-il, du référendum annoncé. Si elle se manifeste dans les jours qui viennent, ce n'est pas l'Europe selon M. Pompidou qui en sera l'objet, mais M. Pompidou lui-même, pour lequel — ou contre lequel — nous avons déjà voté, il y a moins de trois ans. Serait-ce que le voilà semblable à ces amants soupçonneux qui ne cessent de demander ; « Tu m'aimes? »
Dans ces cas-là, il est rare que l'on réponde : « Non ». Mais fréquent que d'un « Bien sûr... » on s'abstienne de prendre position sur le fond.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express