Le silence de l'oubli

Manifestation silencieuse des familles de Français disparus en Argentine. S'interroge rapidemment sur le sort de ces victimes. Devant des protestations officielles inefficaces, FG prône la demande d'exclusion de l'Argentine des prochains JO.
Ils sont dignes, calmes, sans éclat de voix, avec ce visage des hommes et des femmes qui n'ont plus de larmes pour pleurer. Depuis de longs mois, ils constituent des dossiers, sollicitent des audiences, manifestent silencieusement tous les jeudis, à Paris.
Ce qu'ils demandent ? Si peu de chose! Qu'on leur dise, simplement, si leur fils, leur fille, leur frère, leur sœur sont morts ou vivants. Simplement.
Ce sont les parents des dix Français disparus en Argentine, parmi lesquels deux religieuses.
Parfois un lambeau d'information leur parvient. C'est une femme de la haute société argentine, qui fait dire : « Sœur Alice (arrêtée le 10 décembre 1977) a été vue, au mois de janvier 78, dans un camp de concentration... Elle semblait très atteinte, une autre détenue l'aidait à marcher... » Depuis, cette informatrice a été elle-même arrêtée.
C'est cette lettre recommandée, adressée aux parents d'un jeune homme volatilisé le 20 octobre 1976, pour dire : « On a vu votre fils, détenu à Rosario... Il était entre les mains de la police militaire. »
C'est ce témoignage transmis aux parents d'une jeune femme arrêtée, avec ses deux petites filles, le 21 octobre 1977, par des membres du 1er Corps d'armée. Son mari s'est livré, ce soir-là, pour protéger sa famille. Il a été tué sous ses yeux.
Cette jeune femme a été vue, plus tard, dans un local de police que le témoin situe exactement. Donc, ces disparus n'ont pas été abattus, comme on l'a dit en manière d'excuse, au cours de quelque opération menée par des polices parallèles ou des bandes non contrôlées.
Ont-ils participé à des actions contre le gouvernement qui s'est saisi d'eux ? Possible. La situation du pays justifiait-elle que les autorités les retiennent ? Les jugent ? Les condamnent ? Peut-être.
Mais ce silence, qui n'est même pas celui de la tombe? Ces petites filles, ramenées un jour, sans explication, à leurs grands parents, qui ne sauront jamais si leur mère est morte ou si elle croupit, les yeux crevés, dans un cul de basse-fosse ? Qui ne sont même pas légalement orphelines ?
Le ministre français des Affaires étrangères, M. Jean-François Poncet, est l'homme le moins suspect d'indifférence au tragique de cette situation ni même de négligence. Mais les autorités argentines n'ont apparemment rien à faire des protestations de la France officielle. Et l'autre France a oublié... Lors de la Coupe du monde de football, des cris se sont élevés. Aujourd'hui, l'Afrique du Sud, parce qu'elle pratique l'apartheid, a remplacé l'Argentine dans l'actualité politico-sportive.
A propos, quand la France a-t-elle demandé au Comité olympique international d'exclure l'Argentine des Jeux de Moscou ? Il est encore temps.

Mardi, octobre 29, 2013
Le Journal du dimanche