Le seigneur, la crapule et la dame...

trois têtes d'affiche pour une semaine chargée
Après la vache folle, voici les aliments transgéniques, autorisés désormais à la vente à condition qu'ils soient dûment étiquetés.Quel intérêt présentent ces tomates, ces courgettes, ces maïs, ces melons, ce soja pour le consommateur? Aucun. En revanche, avec leur gène supplémentaire qui prolonge par exemple leur conservation ou les protège des insectes, ils représentent des intérêts considérables pour l'industrie alimentaire. Ce n'est pas une raison suffisante pour s'en préserver, ni leur préférer systématiquement nos bonnes vieilles tomates. Mais s'ils ne font pas de bien, ne font-ils pas de mal? Quelle assurance a-t-on de leur inocuité sur le long terme? Les déclarations des experts. Après quelques-uns de leurs exploits, on nous permettra d'observer vis-à-vis des experts une méfiance illimitée. Quand ils nous montreront des individus nourris depuis trois ans aux aliments trafiqués et indemnes de tout effet secondaire, on acceptera de les croire. A «la Marche du siècle», Jean-Marie Pelt fit observer que, faute de recul, personne ne peut jurer de leur inocuité... Il demande pour sa part un moratoire, un temps d'attente. Mais la réglementation internationale du commerce étant ce qu'elle est, il est impossible d'interdire l'entrée en France de produits transgéniques. Aux consommateurs donc de faire leur propre police, et de lire attentivement les étiquettes obligatoires. Elémentaire, mon cher Watson. Vladimir Nabokov dans «Un siècle d'écrivains»: un maître. Et qui ne fut pas seulement le père de l'illustre Lolita, laquelle lui valut à 60 ans non seulement une renommée mondiale mais la fortune, dont cet émigré russe était, jusque-là, bien dépourvu. «Je suis, disait-il, dépaysé partout et toujours.» En 1937, il choisit d'être dépaysé à Paris mais on lui refusa un titre de séjour. Il partit aux Etats-Unis et abandonna le russe pour écrire en anglais. Il fut d'abord professeur à Cornell University puis se consacra à sa propre littérature, si riche, si prenante qu'elle le situe parmi les plus grands. «Ada» est l'un des romans majeurs des vingt dernières années. Il faisait aussi autorité dans une étrange spécialité: le Blues. C'est le nom d'un papillon... Cela lui allait comme un gant, Blues. C'est un seigneur, Nabokov. Qu'est-ce qui se passe en Chine? Selon Alain Peyrefitte, les choses changent lentement, mais chacun est libre aujourd'hui de gagner de l'argent comme il veut, on ne travaille pas le samedi, et les Chinois parlent librement. Harry Wu, célèbre dissident incarcéré pendant dix-neuf ans, arrêté après un retour furtif dans son pays, libéré enfin, voit les choses d'un autre ?il. Oui, les choses changent. Mais le laogai, le goulag chinois, est toujours plein. On prélève les organes des condamnés à mort pour les vendre. Le tiers de ceux qui récoltent le thé sont livrés au travail forcé. Harry Wu a montré un film qu'il a tourné lui-même clandestinement, où des hommes témoignent des tortures qu'ils endurent... Chaque société a ses ombres et ses lumières, dit Alain Peyrefitte. Disons que les ombres paraissent écrasantes... («Bouillon de culture»). Edgar Hoover, patron du FBI pendant cinquante ans, a été l'une des grandes crapules du siècle. «Ce vieil enculé...», disait Nixon, qui, pas plus que ses prédécesseurs, n'a eu le courage de le limoger. Campé sur ses dossiers, avec 160 millions d'Américains fichés, maître chanteur, tyran pervers, associé à la Mafia, il a semé la terreur pendant un demi-siècle. A-t-il fait assassiner Marilyn Monroe? Martin Luther King? Kennedy? Probable. Le document des «Dossiers de l'histoire» manquait de preuves mais il était accablant. Une page noire dans l'histoire des Etats-Unis. Hillary Clinton, interrogée à la Maison-Blanche par Anne Sinclair, a du tempérament. Personne n'est plus attaqué que cette femme et de façon plus basse. Il faut entendre ce que certaines radios débitent sur elle quotidiennement. Elle tient tête avec un modèle : Eleanor Roosevelt. Sous l'orage, elle s'est refait une physionomie moins «battante», défendant les valeurs familiales, soucieuse de l'éducation des enfants, bonne chrétienne, mais sur le fond elle ne cède pas d'un pouce. «J'ai décidé d'aider mon mari de la façon dont il souhaite que je l'aide.» Elle respire l'intelligence et le sang-froid. Mme Clinton persiste et signe. F. G.

Jeudi, janvier 23, 1997
Le Nouvel Observateur