La lettre de ''L'Express''

Tactique du général de Gaulle, qui organise la commémorationdu 4 septembre 1870, spectateurs triés sur le volet.
Invité ? Non ? Alors ministre peut-être ? Parlementaire ? Ancien combattant ? Représentant d'une organisation professionnelle ? Membre d'un corps constitué ? Non ? Il reste la presse filmée et la musique. Appartiendriez-vous à la musique ? Non plus ? Hélas ! Comme on voit bien que vous n'êtes ni une « colonne décorative », ni un élément de « faste grandiose » ou de « décor monumental », il n'y aura pas de place pour vous, jeudi, à la République.
Quelque part dans la rue Turbigo, peut-être, en arrivant dès l'aube...
C'est dommage, grand dommage, mais c'est ainsi. L'idée semblait déjà bien un peu saugrenue de s'en aller commémorer en grande pompe le 4 septembre 1870. Paris grondant, réclamant la déchéance de celui que 7 millions 358.000 OUI contre 1 million 572.000 NON avaient plébiscité quatre mois plus tôt... Quelques hommes affolés se plaçant à la tête des « républicains » pour conjurer à tout prix une révolution économique et sociale, et prenant pour chef de gouvernement un général dont la devise était « Religion, Famille, Propriété »... Etrange anniversaire que celui-là.
Mais s'il parait opportun au général de Gaulle de se placer sous ce signe, le prétexte en vaut un autre. Passé 1815, les Français savent si mal leur histoire... Et nous avions cru comprendre qu'à cette occasion le général comptait affronter le peuple de Paris, puisqu'il quitte les beaux quartiers pour aller le trouver chez lui.
C'était une fausse interprétation — encore une — de sa pensée.
Toutes les dispositions ont été prises pour que, le 4 septembre, la place de la République soit bien fréquentée. Une vraie salle de générale... Il ne présentera pas sa Constitution devant n'importe qui.
Est-il possible que le général de Gaulle, qui sut entrer dans la foule à Alger et à Tananarive, ne perçoive pas ce qu'il y a de provocant, de pénible — et aussi de comique — dans cette affaire ?
Ou il l'a voulue telle, et il ne saurait mieux exprimer le dédain où il tient ses humbles sujets qu'en les forçant jusque sur leurs terres. Ou il n'a pas voulu cela. Et il serait alors grand temps qu'il fasse ce qu'il veut.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express