La lettre de ''L'Express''

Censure dans la presse. L'Express s'auto-censurer.
La censure officielle règne sur la presse. Entre celle du mercredi et celle du vendredi, qui pourrait bien ne plus répondre aux mêmes critères, la place est étroite pour y glisser un journal.
Une grande partie de la presse française a choisi, depuis deux ans, pour des motifs parfois honorables, de ne pas imprimer la vérité — qu'elle connaissait — alors qu'elle en avait le loisir.
Pour garder, croyaient-ils, l'Afrique, ils ont abandonné la France.
Libres à ceux, honnêtes ou fripons, qui se sont faits ainsi les complices volontaires de la « désinformation » du public, de mener cette semaine un baroud d'honneur au nom de la liberté de la presse. Nous ne nous y associerons pas. La censure officielle est détestable, parce qu'elle manifeste que le malheur est sur le pays. Elle n'est pas dangereuse. Un ... blanc avertit le lecteur et le tient vigilant. Dans la presse espagnole, il n'y a pas, il n'y a jamais de colonne blanche.
Dans la presse française, il n'y aura sans doute bientôt plus de colonne blanche. C'est au commandement de colonne par trois que l'on marchera. Quelques hommes, ici et là, refuseront pour leur propre compte de se mettre au pas. Ce ne sont pas les journaux dont ils assument encore aujourd'hui la responsabilité qui disparaîtront. Ce sont eux. Ils s'y préparent déjà, sans illusion.
Cent députés, qui se nomment sans rire « indépendants », ont choisi mardi soir de nous mener vers des temps où le ministre de l'Information prendra ses ordres chez M. Soustelle qui, depuis longtemps, ne les prend plus chez le général de Gaulle.
Est-ce pour demain ? Pour l'anniversaire du 18 juin ? Ou pour celui du 14 juillet ?
Si, dans les semaines qui viennent, par une censure occulte, brutale ou persuasive, le pouvoir établi met la presse française à l'alignement, nous ne participerons pas à une imposture.
Si le droit à la libre expression nous est restitué, nous continuerons d'en user. Il est inséparable des libertés que Paris a revendiquées mercredi.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express