La lettre de ''L'Express''

Présentation des personnalités qui interviennent dans le présent numéro de L'Express : un observateur politique, un psychanalyste (Lacan) et quatre économistes.
L'observateur politique, le psychanalyste et les quatre économistes qui se rencontrent dans ce numéro de « L'Express » procèdent, en dépit des apparences, à la même recherche, celle d'une vérité.
L'observateur, David Schoenbrun, est l'un de ces étrangers amoureux de la France, qui tantôt s'irritent d'être épris, et tantôt s'en félicitent. Il en va ainsi de toutes les relations passionnelles.
Il vit à Paris depuis douze ans ; les salons des ministres anciens, présents ou futurs, n'ont pas plus de secrets pour lui que la conquête des Gaules. Il sait l'histoire de France comme on ne connaît que l'histoire des autres, en l'apprenant adulte, et non en grandissant avec.
Aussi, le livre qu'il consacre à cette « drôle de France »
— et dont nous donnons cette semaine de larges extraits
— évoque-t-il la phrase de Valéry : « Tout ce que tu dis parle de toi : singulièrement quand tu parles d'un autre ».
Ce portrait de la France est aussi le portrait d'un Américain, et s'il ne nous apprend rien que nous ne sachions de notre pays, il nous enseigne du moins comment on le voit avec des yeux qui se sont ouverts ailleurs.
Le psychanalyste, le docteur Lacan, est plus inquiétant car sa science ne tolère point l'existence de plusieurs vérités. Cette prise de possession de SA vérité, à laquelle doit aboutir un psychanalysé, on souhaiterait que tous les détenteurs de pouvoir y soient astreints.
Sans doute ne gouverneraient-ils ni mieux ni plus mal, mais du moins ne pourraient-ils plus mentir qu'à autrui sur les motifs qui les précipitent vers le pouvoir. Et même, qui sait, n'en auraient-ils plus envie. Si cette nouvelle dimension, que la psychanalyse a introduite dans la connaissance de l'homme, ne s'exprime pas aisément en termes simples, le petit effort nécessaire pour comprendre de quel instrument redoutable il s'agit, et comment il peut être dégradé, ouvre de si vastes perspectives, qu'il vaut d'être accompli.
Les économistes, eux, devraient lutter autant que les psychanalystes pour guérir les mots malades dont nous usons et qui recouvrent des idées fausses, « Refoulement » recouvre, dans le vocabulaire courant, une contre-vérité aussi grosse que « budget en déficit ».
Mais les uns et les autres préfèrent généralement échanger, entre initiés, des propos subtils qui découragent le profane.
Les quatre spécialistes que nous avons réunis ont accepté cependant de se livrer à une démystification. Les vérités qu'ils font apparaître sont surprenantes. Ce prodigieux Meccano que constitue l'économie, c'est la charpente sur laquelle s'organise toute la vie du pays ; nous restons, les yeux fixés sur un boulon dévissé, alors que derrière nous vacillent les poutres maîtresses.
Mécanique de l'homme, mécanique de la France proprement démontées et explorées, voilà ce que contiennent les documents et les entretiens que nous vous proposons cette semaine.
En revanche, un jeune et impertinent romancier ramasse l'écume que l'on trouve à la surface des choses. Il va désormais observer, sous le pseudonyme de Lancelot, les scènes de ce que l'on appelle « la vie parisienne ». Mais l'écume révèle, on le sait, à toutes époques, ce qui bout dans la marmite de la société.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express