La lettre de ''L'Express''

Nouvelle chute du gouvernement
Un spectacle qui aurait dû rebuter les Parisiens a provoqué leur enthousiasme : il s'agit de cette mauvaise pièce de Shakespeare intitulée Titus Andronicus. A quelle sorcellerie se livrent donc ces mystérieux alchimistes, nommés metteurs en scène ? Dans les détails qu'en livre Raymond Rouleau à nos lecteurs avec sincérité et humour, les hommes d'Etat pourraient puiser de précieux enseignements.
Tout est affaire d'optique. La même phrase, identiquement interprétée prend un tout autre son selon que vous êtes à deux mètres de l'acteur ou dans la salle.
Les parlementaires ne voient jamais le spectacle de la salle.
« Le pays apprendra avec stupeur la chute d'un gouvernement qui avait obtenu et mérité sa confiance », déclare dans un communiqué le groupe parlementaire socialiste.
Avec stupeur ? Allons, le pays sans doute est mal informé, mais il n'est pas stupide — ainsi que le suggère la S.F.I.O. — au point d'être stupéfait parce qu'on ne saurait additionner des modérés et des impôts.
M. Mollet avait peut-être, avait sûrement — puisque le groupe parlementaire socialiste l'affirme — obtenu et mérité la confiance du pays. Il n'a obtenu ni mérité ce que le pays ne dispense point sans réfléchir : son argent.
En ce domaine, beaucoup de Français sont modérés, indépendants... et un peu paysans.
Quand on aborde la générale, dit encore Raymond Rouleau, on a souvent la tristesse de lire qu'un tel effort, une telle conjugaison de bonnes volontés, tant de bonnes intentions ne sont pas apparues. »
C'est peut-être que bonnes volontés et intentions ne suffisent point à transfigurer totalement les actes manques ?
A la dernière générale de M. Mollet, il ne manquait point précisément l'intrigue ni même le mouvement, mais plutôt le fond.
« Ma politique est un tout...» aime-t-il dire.
Personne ne se permettra d'en douter. Simplement il n'est pas clairement apparu que ce tout contenait quelque chose. Ce n'est point, cependant, faute de répétitions.
Mais le plus précieux des enseignements qu'un grand metteur en scène peut donner à ceux qu'occupent les affaires publiques tient peut-être en cette simple phrase : « Il ne faut pas mettre de force quelqu'un dans un rôle qui n'est pas fait pour lui. »

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express