La lettre de ''L'Express''

Prend la défense de François Mitterrand après l'affaire de l'Observatoire
Il a quarante-trois ans. Il a été le plus jeune ministre de France depuis l'Empire, puis le plus jeune garde des Sceaux, fonction suprême qui donne préséance sur tous les autres ministres. Il est sénateur, avocat ; les plus hautes destinées lui sont promises. Même si, dans cette situation confortable, il devait laisser passer quinze ans pour les réaliser, il n'aurait pas alors soixante ans.
C'est un homme qui a le temps. Et c'est un homme qui sait attendre. On l'a vu lorsque M. Robert Schuman lui proposa le ministère de l'Intérieur et que ce parlementaire de trente ans, loin de sauter sur ce qui constituait une prestigieuse promotion, refusa.
Il est doué d'une intelligence froide, rapide, aux mécanismes implacables.
Qu'il vous plaise ou non, ce François Mitterrand secret, insaisissable, vous savez que vous ne pouvez lui dénier l'intelligence.
Vous l'abhorrez ? Concédez-lui l'ambition. L'intelligence plus l'ambition ne peuvent pas le conduire à solliciter la complicité d'un voyou notoire, qui charge Me Tixier-Vignancour de défendre ses intérêts lorsqu'il est inculpé d'abus de confiance.
Le chemin politique de François Mitterrand ne peut pas passer par Pesquet.
Vous qui nous téléphonez amicalement, vous qui nous pressez discrètement, depuis quelques jours, de « laisser tomber Mitterrand », dites, que vous arrive-t-il donc ?
Croyez-vous à cette fable ? Non. Savez-vous quelque chose que nous ignorons ? Non. Avez-vous le moindre indice, la moindre information, la moindre preuve qui autoriserait à prendre, à l'égard d'un homme seul que des hyènes tiennent à la gorge, la prudente distance que vous nous recommandez ? Non. Et quand nous insistons, vous répétez : non.
Etes-vous lâches ? Non. Alors quoi ? Alors les hyènes sont en train de gagner qui, de proche en proche, en sont arrivées à vous faire souffler à l'oreille : « Laissez tomber Mitterrand », en vous tendant la cuvette où vous pourrez vous laver les mains.
Ce n'est pas lui que vous sentez suspect. Incertain. C'est vous, parce que vous osez encore souhaiter qu'un opposant loyal au régime soit traité avec les mêmes égards que des comploteurs galonnés ou non, parce que vous répugnez à régler vos différends politiques à la mitraillette, parce que vous vous êtes laissé dérober le privilège du patriotisme par ceux qui ont crié plus fort que vous, parce que vous êtes démocrate, parce que vous êtes « de gauche », ô souillure...
Alors, exit Mitterrand, n'est-ce pas ? Ils ont réussi à lui attacher une pierre au cou. Détournez-vous et laissez-le couler.
Eh bien non ! Mille regrets. Non pour nous, qui ne souhaitons pas nous faire pardonner ce que nous sommes, non pour vous qui, solitaire, isolé, intoxiqué, reprendrez peut-être courage et foi.
Si François Mitterrand a mal agi, n'ayez crainte, cela se saura !...
Aujourd'hui, ce qu'il faut savoir, c'est ce qu'il a à dire. Il le dit. Il vous le dit. Ici.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express