La lettre de ''L'Express''

Nouvelle saisie de L'Express. Rapporte les propos d'hommes politiques ou de la presse fortement hostiles à L'Express
Intéressante cette saisie. Rien de tel pour voir sortir les rats de leurs fromages et se précipiter pour ronger un morceau d' « Express » par-ci, un morceau d' « Express » par-là... C'est que, de nos jours, cela nourrit son homme. On peut même se faire appointer régulièrement pour ce travail-là.
Faut-il continuer à leur en fournir l'occasion ? Faut-il persister à se mettre en situation d'entendre que
« L'Express » accomplit « le travail le plus perfide contre la paix » (R.T.F., France II), de lire que « faire stopper cette presse vaudrait mieux que 300.000 hommes supplémentaires » - (la générale Massu), que « si demain on arrête Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud et qu'on les fusille il n'y aura pas lieu de s'apitoyer ». (L'Echo de la Presse) ?
Fusillez, monsieur, fusillez. Deux morts de plus ou de moins dans cette affaire ne pèseront guère.
Le nouveau capitaine-directeur-adjoint de « L'Echo d'Alger », lui, se contentera du tribunal militaire. Un sentimental.
Tout cela n'est pas très sérieux, certes. La bave, fût-elle tricolore, n'a encore jamais tué personne et l'auréole du martyr n'est pas en train de nous pousser derrière la tête.
Mais quelquefois, simplement, le cœur vous vient aux lèvres.
Fourbes ou sincères, regardez vos mains, messieurs les Procureurs. Tous les parfums d'Arabie n'y effaceront pas les taches que vous y faites en essayant de souiller les
autres. A votre souci d'éliminer, soit des adversaires politiques, soit des adversaires professionnels, soit des ennemis personnels, trouvez au moins un autre masque. De toutes les comédies, celle du patriotisme offensé est sans doute la plus pénible, la plus dérisoire aussi. Vous n'êtes pas les premiers qui la jouez depuis cinq ans... Quelle belle réussite que celle de vos prédécesseurs !
Vous à qui la France est trop chère pour que vous souffriez d'entendre que, sur tel ou tel point, elle fait, semble-t-il, fausse route, que n'avez-vous laissé votre indignation éclater lorsqu'en son nom le pire a été accompli ! Que n'avez-vous aujourd'hui le courage de donner un visage à vos griefs !
« Au lendemain du 13 mai, la guerre était virtuellement terminée si on avait pu formellement affirmer que la France considérait l'Algérie comme une province française... », déclare Mme Massu.
Qui ça, « on » ? Le roi de Prusse ?
Mais, comme dit l'éditorialiste de service à la R.T.F., « il est des heures où la délicatesse de l'âme est un devoir civique ». Et la prudence un devoir militaire, sans doute.
Puisque Mme Massu a la bonté de nous fournir, en clair, cette information : « Stoppez cette presse et la guerre d'Algérie sera finie », nous sommes prêts à lui proposer cependant un contrat : « L'Express » suspend la publication de toutes ses rubriques politiques pendant un mois. Si au bout de ce délai la guerre se poursuit ? Eh bien ! il faudra saisir Mme Massu.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express