Il s'en passe des choses

Chronique humoristique des événements de la semaine sur quelques affaires politico-judiciaires
Dessins de Maurice Henry

Que s'est-il passé cette semaine ? Pas mal de choses mais vous ne savez pas tout.
Ainsi, lorsque M. Desvaux, directeur de la P. J. (abréviation de « ProtègeJoseph »), a rencontré Joinovici à Epernay après l'avoir attendu en vain à Phalsbourg, il s'est écrié, car il a des lettres :
— Veni, vidi, Joinovici... Mais j'ai cru que vous m'aviez posé un lapin.
Le chiffonnier milliardaire a répondu :,
— Je ne pose jamais de lapins. Je ne pose que des visons, et des conditions.
Il a fait déboucher une bouteille de Champagne, et a ajouté :
— Et maintenant, à votre santé !
— Ma santé ? a répondu M. Desvaux, modeste. Il ne faut rien exagérer. Elle est un peu à tout le monde. Mais si la Santé vous plaît, on ne refusera certainement pas de vous y accueillir. Au besoin, j'interviendrai, je suis assez bien dans la maison, je leur ai envoyé beaucoup de monde.
Le chiffonnier a remercié. Et depuis, pour qu'il ne s'ennuie pes, cinq juges d'instruction se relayent auprès de lui pour lui parler... chiffons...
Moralité : M. Desvaux, ou un homme qui a fait son Joseph.

La tonne de boulets étant passée de 2.090 francs à 3.740 francs (contre 167 francs en l939) le directeur de Fresnes est venu s'excuser auprès de M. Pierre-Marie Durand, parce que le chauffage de sa cellule était insuffisant.
— C'est intolérable, a dit M. Pierre-Marie Durand. Puisque charbonnier est maître chez vous, vous comprendrez que je préfère rentrer chez moi. Et je ne vous ferai pas de publicité.
Mais comme il est tout de même très bien élevé, il a laissé un pourboire de vingt-cinq millions avant de quitter l'établissement.
Sur un milliard de trafic, ça ne fait jamais que 2,5 %... 2,5 % pour le service.
Moralité : M. Durand ou un Français qui a des moyens

Pendant la séance que l'Assemblée nationale a tenue samedi après-midi, les députés communistes, confondant sans doute Robert Schuman avec son glorieux homonyme auteur de la
'' Rêverie '' ont chanté pour lui rendre hommage : '' Salut braves soldats du 17ème ''
Histoire de prouver qu'ils ne manquaient pas de voix, les autres députés ont répondu en chantant la ''Marseillaise ''. Les premiers ont rétorqué par le ''Chant du départ'' . Et puis ils sont restés.
Malheureusement, le chef d'orchestre clandestin n'était pas là et le président Herriot qui connaît la musique ne sait pas le solfège
Moralité : la Chambre des députés ou les petits chanteurs à la tête de bois.

Les minotiers des Grands Moulins'' de Corbeil ont décidé de reprendre le travail, mais maintiennent leurs revendications.
Quelques dames de la bonne société, inquiètes d'avoir failli manquer de pain, ont voulu savoir ce qu'ils réclamaient.
Ayant appris qu'ils demandaient un minimum vital de 10.080 fr., elles se sont écriées indignées :
— 10.080 francs par jour ! Moi, je m'arrange bien avec 7.000 !
On leur a expliqué que c'était « par mois ».
Alors, émue, chacune d'elles a dit à son mari :
— Mon chéri, il faut faire quelque chose pour les pauvres. Je vais tout de suite me commander une robe du soir chez Christian Dior
C'était déjà très gentil de leur part, car elles n'en avaient pas besoin du tout.
Puis elles ont poussé la bonté jusqu'à se rendre au bal du Musée Grévin où, moyennant 4.000 francs d'entrée, quatre cents personnes, également charitables, ont dansé toute la nuit après avoir assisté à un excellent spectacle où Suzy Delair, François Périer, Fernandel et Jean Rigaux, se sont employés à les faire rire, et ont réussi.
On était entre gens très bien (la preuve, c'est qu'il n'y avait pas de journalistes). Et on recommencera. Quand tous les frais de la soirée seront payés, il restera peutêtre un léger bénéfice qui sera versé à une œuvre de bienfaisance.
Moralité : La nuit du Musée Grévin, ou « Ils ont travaillé tout l'été ? Eh bien ! dansons maintenant ! »

Mardi, octobre 29, 2013
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