Editorial n°1087

A partir d'un fait divers : le grand écrivain américain Jim Brown quitté par sa femme, FG s'interroge sur l'aspiration nouvelle des femmes à « être », aux Etats-Unis.
Il est l'un des journalistes écrivains les plus cotés des Etats-Unis. Disons qu'il se nomme Jim Brown. Dans la petite société sophistiquée de New York, où tout le monde le connaît, la nouvelle s'est vivement répandue : la femme de Jim Brown l'a quitté. Trente ans de mariage, épouse parfaite, mère exemplaire, collaboratrice dévouée, cinquante ans d'âge, qui se voient clairement sur son visage, pas d'homme à l'horizon... Alors quoi ? Pressée de questions par le médecin de Jim Brown, atteint d'une dépression nerveuse, elle a dit simplement : « J'en ai assez... Assez d'être éternellement Mme Jim Brown, la femme de Jim Brown, la mère des enfants de Jim Brown... Il n'est pas trop tard pour que je sois Nathalie Smith. C'est mon nom. »
Histoire presque banale maintenant, aux Etats-Unis, où l'aspiration féminine à « être » plutôt qu'à avoir est devenue exubérante, où les femmes les plus tranquilles en sont imprégnées et commencent à se dire, par exemple : « Mais c'est vrai que je me tais quand il prend la parole. Pourquoi ? » Oui. Pourquoi ?
Dans les semaines qui ont suivi les malheurs du « chauviniste mâle » Jim Brown, ses amis ont été d'une exquise délicatesse avec chacune des personnes du sexe féminin auxquelles ils ont affaire dans leur vie privée ou professionnelle. Mais, dans l'ensemble, ce n'est pas la délicatesse qui l'emporte. C'est la peur. Femme devient synonyme de dynamite. Danger. On ne sait jamais quand et pourquoi ça explose, la sagesse serait de n'y pas toucher. Les hommes y touchent, d'ailleurs de moins en moins, ce qui, d'évidence, n'arrange rien.
Pour une créature un peu comestible, de manières douces, et capable de dire : « Vous qui êtes tellement intelligent et si beau, expliquez-moi... » il y a des ravages à faire, dans ce pays.
Nous ne sommes pas américains (et, pour d'autres raisons, c'est la semaine ou jamais de s'en réjouir). Les vagues de fond qui partent des Etats-Unis arrivent toujours, sur l'Europe, amorties, puis se font rapidement naturaliser. Mais elles arrivent.
C'est la version française d'un lent et parfois subtil soulèvement que L'Express a essayé de saisir cette semaine, en particulier par un sondage. Jusqu'où iront-elles, les femmes ? Le sûr est qu'elles y vont.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express