Editorial n°1052

Hommage posthume à Jacques Boestsch, collaborateur de FG
C'était un soir d'été, l'année dernière. Le téléphone a sonné. Tard. Jacques Boetsch appelait de Washington, où il se trouvait pour L'Express.
« Vous savez, cette petite douleur dont je me plaignais ? C'est une tumeur.
— Une tumeur ? Quelle tumeur ?
— Maligne, probablement. Il faut voir. Dois-je rentrer en France ou me faire hospitaliser ici ? »
Il disait cela de sa voix habituelle, ferme, claire. Quelques jours après, le diagnostic était rendu. Il savait. Les médecins américains ne font grâce à leurs patients d'aucune illusion.
Pour avoir vu Jacques Boetsch apprivoiser lentement, durement, la mort, après qu'elle l'eut pris par la main, il me semble qu'ils ont raison. Que c'est la dignité même d'un homme qui est en jeu. Peut-être n'est-ce pas la vérité de tous, mais ce fut, sans aucun doute, la sienne.
Courageux, rigoureux, rugueux et tendre, c'était un journaliste de classe, et un homme de qualité. Je l'aimais. Nous l'aimions. Nous l'avons vu se détruire, mais jamais se défaire. Sa lucidité, son humour même n'ont jamais été entamés.
Il y a six semaines, le 27 juillet, le souffle commençant à lui manquer cruellement, il m'a dit : « On va me faire un nouveau traitement. Je ne pourrai pas venir demain... Cela m'ennuie de vous laisser... Est-ce bête ! J'étais heureux, et j'aurais pu, encore, vous être utile...
— Peut-être que vous reviendrez...
— Croyez-vous...
— Je le voudrais. Je le voudrais beaucoup.
— Alors, j'essayerai. Je vous le promets. »
Il a essayé. Il tenait toujours ses promesses. Il a essayé. Mais il n'est pas revenu. Il ne reviendra plus.
Jacques Boetsch est sorti de la vie, l'autre samedi, à 43 ans, en se tenant droit comme il avait vécu.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express