Du sang sur les mains

Indignation de FG après l'exécution de l'ancien Premier ministre du shah d'Iran, Amir Hoveyda, entretenant de nombreux liens avec la France. La France n'est pas intervenu à temps auprès de l'ayatollah Khomeiny sa grâce.
Honte ! Honte sur nous, honte sur la France. Amir Hoveyda a été exécuté.
Les Iraniens font la révolution, ce n'est jamais propre une révolution. Je dis que le crime n'est pas sur eux, si écœurant soit-il, s'agissant d'un homme qui n'était pas un saint, puisqu'il fut Premier ministre, mais qui n'a jamais eu ni sang ni argent sur les mains.
Le crime est sur nous. Sur le gouvernement français dont on ne sait s'il a été plus pleutre que nul, plus nul que pleutre en cette affaire.
Sait-on quel fut l'un des griefs officiels énoncés par le chah lorsqu'il jeta Hoveyda en prison, croyant détourner sur lui la colère du peuple contre les concussionnaires? La France venait de livrer à l'Iran une importante installation industrielle. L'un de ses deux éléments tomba en panne à peine mis en fonction. Cela se passait un 14 juillet. Toute la France était en vacances, y compris les techniciens capables de réparer l'élément en question. On parvînt enfin à en dénicher un et à l'expédier à Téhéran. Mis en route deux jours après, le second élément tombait en panne.
Le prétexte était beau pour dire à la cour que tout le monde connaissait la mauvaise qualité des équipements français, qu'ils ne nous auraient jamais été commandés de préférence à l'Allemagne si Amir Hoveyda n'avait pas été stipendié.
Or, tous ceux qui ont eu à traiter avec l'Iran impérial le savent : s'il n'existait là-bas qu'un ministre honnête, sans compte en Suisse ni épouse fléchissant sous le poids de ses diamants, c'était lui. Simplement, il aimait la France d'amour. Notre langue était d'ailleurs sa langue maternelle.
Devant le peloton d'exécution, a-t-il pensé qu'il avait mal placé son amour? Que le pays qui a si complaisamment offert son territoire, ses lignes téléphoniques, ses chaînes de télévision, tous les moyens de sa propagande pendant plusieurs mois à l'ayatollah Khomeiny n'a eu ni le courage ni l'à-propos, quand il en était encore temps, d'exiger en retour que cet ami de toujours ait la vie sauve ? Amir Hoveyda a eu en main, par miracle, l'article publié, ici même, il y a quelques semaines, où je demandais que nous intervenions à temps. Il en avait été bouleversé. Ainsi, quelqu'un, en France, se souvenait de son existence. Il a su, il y a trois jours, grâce à Christine Ockrent qui l'interviewait pour FR3, qu'Edgar Faure s'était proposé pour assurer devant un tribunal sa défense. Ce fut la dernière lumière de sa vie.
Tout le pétrole d'Iran, le recevrions-nous, n'effacera jamais des mains de ceux qui gouvernent la France, et parlent en son nom, le sang d'Amir Hoveyda.

Mardi, octobre 29, 2013
Le Journal du dimanche