À vos bons soins !

Rebondit sur l'épidémie de grippe qui sévit pour évoquer les multiples petits maux qui assaillent les français en cette période (et notamment difficulté à payer ses frais de médicaments)
Ça vous fait froid et puis ça vous fait chaud, comme disent les chanteuses réalistes en parlant de l'amour. J'ai ce qu'il vous faut... Deux gouttes matin et soir dans... Vous n'en voulez pas ? Bon ! Nous en reparlerons demain. Mais je vous préviens que vous avez la grippe italienne !
(Non : on ne l'appelle pas « italienne » parce qu'elle attaque dans le dos, mais parce que 60 Italiens sur 100 en sont ou en ont été atteints.)
La grippe, c'est un peu comme l'automobile. Selon que l'on est conducteur ou piéton, on change de point de vue. Selon que l'on est à l'intérieur du lit ou à l'extérieur, on pense tout autrement
Par exemple, voici ce que disait un monsieur que je connais, à sa femme, avant d'avoir la grippe :
— Tu y crois, toi, à cette épidémie,? En tout cas, il n'y a pas de quoi s'affoler. Si les journaux ne s'en mêlaient pas ! Les recommandations officielles sont charmantes : « Ne fréquentez pas les lieux publics... » C'est commode, quand on prend le métro pour aller travailler. « Recouvrez-vous le nez et la bouche avec une compresse quand vous approchez quelqu'un de suspect... » Pourquoi pas un masque à gaz ?
« Untel est couché ? Petite nature. X... aussi ?... Oh ! X..., tu le connais... Tous les prétextes lui sont bons pour ne pas travailler... Moi, l'année dernière, la grippe ne m'a pas empêché d'aller au bureau tous les jours... Ah ! non, tu m'embêtes avec tes gouttes dans le nez. Dis donc, tu as vu les événements ? La démission de Marshall ? La tension anglo-israélienne ? Qu'est- ce que ça va donner tout ça ?... »
Le même monsieur pendant la grippe ;
— Tu ne veux pas comprendre que je suis vraiment malade. Pourquoi ne restes-tu pas près de moi ?... Ah ! non, je t'en prie, ne me parle pas de cuisine, ça me soulève le cœur. Je suis malade ! Tu as vu ? Il y a des cas mortels. Si, si, ce n'est pas la peine de me dire le contraire pour me rassurer. Aïe ! elle est brûlante cette bouillotte... C'est drôle que tu ne puisses pas faire attention à ces choses-là... Je t'en prie, téléphone à la fille des voisins qu'elle arrête ses gammes ! Pas de danger qu'elle l'attrape, elle, la grippe ! Dis-lui la vérité : que je suis gravement malade ! Comment, ce n'est pas grave ? Qu'est-ce qu'il en sait, le docteur ?... Tiens, si j'avais une congestion pulmonaire, vous seriez bien attrapés, tous ! Non, je ne veux pas répondre au téléphone. Je m'en moque, du bureau. Je suis malade. Où vas-tu encore ? C'est curieux, il suffit que je sois malade pour que tu aies tout le temps besoin de sortir. Rapporte-moi le journal au moins... Quoi, Marshall ? Je m'en fiche de Marshall. Je veux savoir où en est l' épidémie !
Le même monsieur après la grippe :
— Je ne sais pas ce que j'ai, mais je suis exténué... Quel temps ! Quelle vie ! Quelle époque !.. Un remontant ? Pourquoi faire, un remontant ? Ce n'est pas parce que j'ai eu la grippe que je suis devenu gâteux ! Non, tout va mal, il faut bien le reconnaître ! D'abord, oh ne peut plus travailler, tout le monde a la grippe... Les gens ne sont pas raisonnables. S'ils prenaient quelques précautions, nous n'en serions pas là.
Avant, pendant, après, je ne sais pas. à quel stade vous en êtes, mais je ne saurais trop vous engager à soigner aussi votre optimisme.
Vous en aurez besoin.
Pour payer vos ordonnances de pénicilline par exemple, si par malheur il vous en fallait.
Pour ne pas vous mettre en rogne si on vous coupe l'électricité au moment où vous tentez de faire bouillir une seringue.
Pour lire les communiqués officiels qui vous recommandent d'« isoler un enfant dès qu'il est fiévreux », si vous en avez trois et personne pour les garder.
Pour soutenir le regard de celles qui, dans les pharmacies, doivent repartir avec la moitié des médicaments prescrits parce qu'elles n'ont pas de quoi payer le tout.
Pour demander à votre médecin épuisé de « revenir sans faute ce soir », alors qu'on lui a accordé ce mois-ci 110 litres d'essence pour sa voiture.
Et si la grippe vous épargne, vous et votre maison, pour supporter le récit que vos amis ne manqueront pas de vous faire de leurs maux personnels et particuliers.

Mardi, octobre 29, 2013
Carrefour