Suite à une enquête réalisée auprès d'étudiants de 20 ans sur les qualités de la femme idéale. Qualité essentielle : la franchise. Mais pas de mention de l'esprit ou du tact, déplore Giroud. (expose les faits avec humour).
Quelles sont les qualités de la femme idéale ? Un grand hebdomadaire féminin vient de poser cette question à un certain nombre de jeunes gens, étudiants de 20 ans, et à Monsieur de Montherlant.
Ce dernier, a, pour sa part, éludé la réponse par une habile pirouette. C'est qu'il n'a pas vingt ans, Monsieur de Montherlant, et qu'après avoir rencontré beaucoup de femmes idéales qui ont cessé de l'être après six mois, on devient prudent !
Mais les réponses de ces jeunes gens, dans lesquelles on veut voir l'orientation générale de la nouvelle génération, sont par contre bien précises. La qualité essentielle que la plupart d'entre eux exigent de leur future épouse est... la franchise...
L'intelligence est aussi en bonne place, mais la sensibilité, le naturel, la fantaisie, la gaieté, le goût, ont à peine quelques amateurs. Quant à l'esprit et au tact, il n'en est même pas question.
Que tout cela est donc triste l
Heureusement que les jeunes hommes se marient rarement avant 23 ou 30 ans, et que, d'ici là, ils pourront réviser leur jugement.
Ils sont tous étudiants. On peut donc espérer qu'ils ont lu Nietzche, et ce passage où il dit à peu près : « Avant de vous marier, demandez- vous si vous pourrez faire pendant vingt-cinq ans la conversation avec celle que vous allez épouser ».
La franchise est certes une belle qualité, mais je doute, pour ma part, qu'elle nourrisse agréablement la conversation. Il est vrai qu'ils demandent aussi de l'intelligence. Mais une femme intelligente, qui n'a ni sensibilité, ni fantaisie, ni esprit, ni goût, ni tact, qu'est-ce que c'est ? Un bas-bleu, ou à peu près. Le franc bas-bleu, voici donc quel serait l'idéal de nos jeunes gens.
Toute moquerie mise à part, il ressort néanmoins de cette enquête que les femmes sont bien coupables. À vouloir jouer aux hommes, elles ont si bien réussi qu'elles se sont dépouillées de l'essentiel de leur charme et des qualités de grâce et d'esprit dont elles avaient le charmant privilège.
Et s'il était à peine agaçant d'entendre une femme authentique, puérile et faible, mentir à propos de tout et de rien — quand je dis mentir, il s'agissait plutôt de travestir la vérité en la parant — c'est devenu purement intolérable de la part des femmes qui prétendent à l'énergie, à la logique, à la raison froide.
Tous les hommes de conditions et d'âges les plus divers, ont une aversion égale pour la mauvaise foi féminine. C'est généralement par le truchement de leur mère qu'ils en font pour la première fois connaissance. Cette anecdote, qui m'a été contée par un auteur dramatique de talent, m'a toujours paru significative.
Il avait alors une quinzaine d'années et avait prié sa mère d'acheter à l'un de ses camarades qui se trouvait dans une situation difficile, un lot de deux cents boites de sardines. Après avoir longtemps refusé, elle accepta d'assez mauvaise grâce et le jour vint où, au déjeuner, on ouvrit l'une de ces boîtes. Il y avait à table le père, la mère et le fils, qui en mangèrent chacun deux. À peine étaient-elles avalées que la mère manifesta sa mauvaise humeur :
— Ces sardines sont exécrables, mon petit. Et chères. Et il n'y en a que cinq par boîte...
— Maman, je crois que tu te trompes, répondit le fils respectueux. Elles sont peut-être exécrables, mais il y en a six par boîte.
— Non, cinq.
— Ne contrarie pas ta mère, dit le père, qui sentait venir l'orage.
— Je ne la contrarie pas, je dis la vérité.
— Comment ? dit la mère outrée, la vérité. C'est moi qui mens peut-être ?
— Avons-nous, oui ou non, mangé deux sardines chacun ?
— Non. Moi j'en ai pris qu'une. Je me suis, comme d'habitude, sacrifiée, pour toi et pour ton père. Et puis, cela a assez duré. Tais-toi.
Le garçon obéit. Mais l'après-midi, quand sa mère fut sortie, il ouvrit le placard où se trouvaient les cent quatre-vingt dix-neuf boîtes de sardines et les ouvrit l'une après l'autre. Elles contenaient toutes, naturellement, six sardines.
Cela lui valut une magistrale correction, mais il estime encore ne pas avoir payé trop cher le plaisir de venir à bout, pour une fois, de la mauvaise foi féminine. Inutile d'ajouter que, depuis, il y a renoncé.
Mardi, octobre 29, 2013
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condition féminine
