Ah, cette jet-set, ces milliardaires, ces filles superbes qui parlent d'argent avec une telle volupté qu'on s'attend qu'elles en mangent!
Les pompiers et les policiers de New York, ces héros mal payés et intrépides, ont fait davantage pour la physionomie de leur peuple que Bill Gates. Mais il en faudra plus pour déraciner l'antiaméricanisme. N'en sont à peu près indemnes, dans le contexte actuel, que ceux qui ont connu la guerre et qui ont été trop éprouvés par la barbarie des Etats totalitaires pour observer avec bienveillance les prodromes d'un tel Etat dont Ben Laden affiche l'ambition : changer le monde où la prédominance doit appartenir à l'islam version talibans et à ses mollahs. Chacun est libre de penser, naturellement, que des individus talibanisés seront plus heureux que ne le sont des individus américanisés. La tradition antiaméricaine de la France n'est pas neuve, à droite (Maurras) comme à gauche, chez les communistes, les chrétiens-sociaux. Les anciens se souviennent peut-être de l'épisode burlesque où l'Assemblée nationale donna en 1950 au chef du gouvernement, Georges Bidault, l'autorisation d'interdire le Coca-Cola, réputé empoisonner les enfants de France! Cependant, même des hommes aussi peu suspects de philoaméricanisme qu'Alain Joxe, universitaire spécialiste des questions militaires, et que Rony Brauman, réunis chez Edwy Plenel, approuvent le principe de la riposte au massacre de New York. Brauman a rapporté le mot d'un ami haïtien parlant des Américains. «Ils ne l'ont pas volé!» Mais peut-être a-t-il eu le talent de l'inventer. Il n'est pas impossible, selon Alain Joxe, que les Américains commencent à ouvrir les yeux et les oreilles sur les raisons qui les ont rendus haïssables à travers le monde des démunis. Il observe le début d'une prise de conscience qui pourrait déboucher sur une révision déchirante de leur politique étrangère. Et, pour le coup, un nouvel ordre mondial pourrait naître. Si l'on ajoute que, de l'autre côté, un schisme est possible qui permettrait à l'islam de se régénérer? Mais là on rêve peut-être? En attendant, les militaires américains sont, avec les Anglais, leurs seuls amis, sur le terrain. Et sans y compter vraiment, on a envie de dire : «Que Dieu les garde.» A propos de la situation économique et des déclarations très pessimistes de certains économistes, le jugement d'un homme calme, Jean Peyrelevade, patron du Crédit lyonnais : «J'espère qu'ils se trompent, je crois qu'ils exagèrent. Nous sommes dans le ralentissement, nous ne sommes pas dans le drame. Une grande différence avec la guerre d'Irak : le prix du pétrole. Il ne flambe pas et ne flambera pas.» (LCI) La télévision, il faut bien dire que c'est surtout ce qu'on appelle des «plateaux». Un animateur, un ou des invités, et on parle. Les chaînes adorent le plateau parce qu'il est économique. Le style des animateurs diffère, mais pas la casserole où le spectateur mijote. Or voilà que M6, très agressif décidément, lance «Jet-Set», programme coûteux qui promène le spectateur de Miami à un palais de Venise, en passant par Cannes et Monte-Carlo. Figuration énorme, émission très bien fréquentée. Enfin, «bien»? Je veux dire qu'elle est pleine de milliardaires, de filles superbes qui rêvent d'en capturer un, de comtesses en Mercedes, de fausses et de vraies vedettes, monde qui tourne autour de l'argent, celui qu'on a, celui qu'on convoite. Une jolie femme qui collait à Pierre Cardin, immense fortune, parlait d'argent de telle sorte qu'on s'attendait qu'elle en mange avec un peu de mayonnaise. On peut, c'est selon, rêver de s'intégrer à la jet-set ou d'y jeter une grenade. A une baronne foldingue, gavée de Rolls, de visons, de bijoux, le charmant Benjamin Castaldi demande : «Y a-t-il un objet que vous désireriez avoir? ? Vous», répond-elle sans ciller. C'est la meilleure réplique de «Jet-Set». Frédéric Beigbeder présente la nouvelle émission littéraire de Paris Première(«Des livres et moi»). Il cherche à casser avec la routine, et parfois c'est gai quand il fait danser Marc Lambron. Il a de l'esprit, il connaît la littérature mais il est mauvais quand il prend la posture du rebelle. Personne n'a encore trouvé l'équivalent du ton surréaliste, parce que c'était plus qu'une attitude. On va suivre Beigbeder pour voir. F. G.
Jeudi, octobre 4, 2001
Le Nouvel Observateur