C'est un hold-up! La ministre de la Culture veut noyer la seule chaîne française qui ait un petit bout d'âme dans cette bouillie qu'est le service public... Empêchons-la!
Ce n'est pas possible. Ce n'est pas croyable que madame la ministre de la Culture opère un véritable hold-up? On sait que la dernière réforme de la télévision, esquivant les problèmes, énormes, posés par le développement international des télévisions, s'est traduite par une réorganisation bureaucratique du service public. Dernière étape : on annonce l'incorporation forcée d'Arte à ce service public, c'est-à-dire à une administration sclérosée, une organisation artistiquement stérile, une machine lourde de toutes les erreurs et des strates accumulées au fil des années, le plus grand cimetière de bonnes intentions avortées de tout le paysage français. Ah, misère! On ne saurait en faire reproche aux responsables actuels de ce monstre mou. Ce n'est pas d'une holding que le service public a besoin, c'est d'une révolution. Quiconque observe avec un peu d'attention le panorama de notre télévision constate quoi? Que la Une, bien dirigée, a su remonter le handicap d'une image excessivement vulgaire et caracole maintenant en tête, que Canal+ pèse plus que France 2, même si la chaîne flotte depuis quelque temps, que M6, bien ciblée, monte en puissance et que tout ce monde-là, qui ne coûte rien au contribuable, est prospère. Parmi les chaînes thématiques, Planète est, entre autres, une réussite avec ses documentaires, et on ne peut plus se passer de LCI, qui capture un public haut de gamme. En face? De quoi se sentirait-on privé si les chaînes publiques fermaient leurs écrans? Il ne faut pas une main pour compter. Et puis il y a Arte, qui doit son indépendance à sa nature. Elle est née franco-allemande à parts égales. Audience non foudroyante mais en progrès constant, effort d'originalité, d'imagination, de création, absence totale de publicité, audace parfois (la série sur le Crédit lyonnais), tout n'y est pas génial, mais c'est la fleur à notre chapeau, Arte. A quoi cela rime-t-il de noyer ce petit bout d'âme qu'elle a dans de la bouillie pour les chats? Les Allemands, outrés par la désinvolture avec laquelle ils sont traités dans cette affaire, pourraient bien faire une grosse colère, avec raison. Le Premier ministre peut encore empêcher que soit sacrifié sur l'autel de la bureaucratie un lieu de liberté et de création. Il paraît impensable que cela lui soit indifférent. Ah, que M. Barre a donc été savoureux au «Grand Jury»! Ironique, moqueur, et d'abord formel : la croissance est durable, pas de krach à redouter ni de catastrophe à brève échéance, nous entrons dans une période favorable tant à l'économie réelle qu'à l'économie financière. Les 35 heures? Une loi mauvaise, mais la façon dont les Français l'utilisent la rend bonne. Le chômage? Il va continuer à baisser. La réforme de la magistrature? Il la votera à Versailles. Comment peut-on l'avoir votée une première fois et s'y refuser une seconde? Le rapport d'un M. Teulade sur les retraites? En un mot, cocasse. La cohabitation? Elle ira à son terme. Bref, il dit le contraire de tout le monde, il lit les éditoriaux du «Monde» pour faire rire, il loue le Premier ministre, «toujours mesuré dans ses propos», il est joyeusement insupportable comme le sont seulement les gens libres, libres, libres. Enquête magistrale d'«Envoyé spécial» sur la situation de l'IVG en France. Pour un grand médecin, le professeur Nizan, de Strasbourg, qui parle comme parlait Paul Milliez aux temps héroïques et respecte les femmes qui ont besoin de lui, il y a tout un monde médical qui se défile ? ce n'est pas de la médecine «noble» ? et préfère voir les postulantes partir en Hollande ou en Grande-Bretagne. Ce qu'elles font, d'ailleurs. Eux s'en lavent les mains, ces grands humanistes. 6000 mineures, parfois de 14-15 ans, avortent chaque année. L'expérience montre qu'elles n'en parlent jamais à leurs parents. C'est à l'infirmerie de leur école qu'elles demandent assistance. C'est peut-être regrettable, mais c'est ainsi. D'où la nouvelle disposition prise par Ségolène Royal, qui permet aux infirmières d'école de donner la pilule du lendemain. Malgré les contraceptifs, il y a encore 220000 avortements chaque année. Pour des raisons complexes, on ne les supprimera jamais tous. Mais une bonne information, incessante, toujours renouvelée, dispensée aux bons endroits, devrait être un devoir d'Etat. Comment se délecter vraiment d'être sodomisé? La question ne nous taraudait pas, mais on fut surpris d'entendre la réponse dans «la Marche du siècle», où opérait Michel Field. Enfin un vrai conseil de vie pratique! F. G.
Jeudi, janvier 13, 2000
Le Nouvel Observateur