Comment Karl Zéro a-t-il réussi à recevoir, dans le bureau de De Gaulle, les quatre candidats à la présidence du RPR?
Et Yvan Colonna court toujours. Le ministre de l'Intérieur dénonce «une tempête ridicule qui ne repose sur rien» (TF1). Le contenu des auditions recueillies par les commissions d'enquêtes parlementaires (Assemblée et Sénat) traîne partout, alors qu'il est censé être secret pendant trente ans! On y découvre qu'uncommissaire de la police judiciaire à Ajaccio, Dragacci, est accusé par l'ex-patron de labrigade antiterroriste, Roger Marion, aujourd'hui numéro deux de la PJ, d'avoir permis au tueur de s'enfuir en prévenant son père de son arrestation imminente. Le père de Colonna proteste, ulcéré, il est brouillé depuis dix ans avec Dragacci (LCI). Pourquoi le patron de la brigade antiterroriste aurait-il inventé cela? Parce qu'il faut bien expliquer aux commissions d'enquête pourquoi lui, le grand flic, a laissé filer Colonna quand il l'avait sous la main? Roger Marion s'était longuement égaré sur une mauvaise voie, quand un indicateur fournit une piste au préfet Bonnet : quatre hommes, piégés par les traces de leurs téléphones portables, sont alors arrêtés. Quand la femme de l'un d'eux désigne Yvan Colonna comme complice, celui-ci est dans son village, tranquille, il se pavane sur TF1. Roger Marion, qui dirige les opérations, juge inutile de le faire arrêter. «S'il se barre, on aura l'air de cons!», objecte un officier de police. En vain. Le lendemain, un membre ducommando meurtrier dénonce Colonna : le tueur, c'est lui. L'ordre de l'arrêter est enfin donné. Mais Colonna a filé. Et les policiers ont «l'air de cons». «Ils ont fait un travail admirable, tempête le ministre, sur sept membres du commando, un seul leur a échappé.» Malheureusement, c'était le bon. Quelles rivalités, quels comptes se règlent sur le cadavre d'Erignac entre flics, grands ou pas grands, les rapports ne le disent pas. Mais ils livrent froidement le nom de l'indicateur de Bonnet. Celui-là peut compter ses abattis. Comment Karl Zéro a-t-il réussi à s'introduire à Colombey, dans le bureau de Charles de Gaulle, pour y installer ses caméras et y recevoir, sous prétexte d'élection au RPR, les quatre candidats à la présidence? C'est un assez joli coup (Canal+). Pierre Messmer, superbe vieux monsieur, se permet des impertinences à l'égard du RPR et de Chirac. Les quatre impétrants sont, bien sûr, interrogés. Tutoyés, c'est la marotte de Karl Zéro. Avec Messmer, il n'a pas osé. François Fillon est beau garçon, nerveux, Delevoye a l'air de ce qu'il est, un notable régional, Patrick Devedjian a trop de fantaisie pour faire ce métier, Michèle Alliot-Marie montre un appétit faramineux. On observait ce quatuor en se disant : «Qu'est-ce que ça peut me faire, à moi, cette élection? Pourquoi je regarde ça?» Mais il y avait des plans d'archives, savoureux le jeune Pasqua, le jeune Tiberi? Deuxième tour, le 4 décembre, entre l'homme de Chirac et la femme de personne. Cela devrait se jouer dans un mouchoir. «Ripostes», nouvelle émission de Serge Moati sur la 3, a en tout cas de la vivacité. A propos de sujets d'actualité, des gens s'engueulent sans ménagement. Ça a une vague couleur du défunt «Droit de réponse». On s'est battu à propos de la chasse, du roman de Mathieu Lindon sur Le Pen, condamné par la justice. Certains ont certainement entendu parler du mouvement Stop la violence, créé par des jeunes gens après l'assassinat de l'un des leurs, à Bouffémont. On a parlé d'eux, ils ont fait des adeptes et que s'est-il passé? Une rumeur s'est mise à circuler, lancée sur l'internet qui est un danger public puisque ouvert à n'importe qui pour dire n'importe quoi. Par exemple : les jeunes de Stop la violence sont manipulés par le gouvernement. Le grave est que des journaux qui prétendent au sérieux ont sauté sur «l'information». Ils en sont malades, les adversaires de la violence. Moati a invité les journalistes qui les ont calomniés à un face-à-face d'explication. Ils se sont dérobés. Jean Mauriac, fils de François, était un dévot de Charles de Gaulle. Journaliste à l'AFP, il l'a suivi partout, d'année en année. C'est à lui que Patrick Jeudy a demandé de raconter «son» de Gaulle, exercice un peu particulier, ferveur illimitée pour un héros zéro défaut. De Gaulle a tout bien. Il faut que le personnage ait une fameuse dimension pour résister à ce traitement. Eh bien, il résiste. Il résiste à Mauriac comme il résiste à Hossein. C'est qu'avec eux, on n'est plus dans l'histoire mais dans l'émotion. F. G
Jeudi, novembre 25, 1999
Le Nouvel Observateur