UN LIVRE DE DANIEL RONDEAU : La grâce de Johnny

Daniel Rondeau est un écrivain qui écrit des articles, ou un journaliste qui écrit des livres, comme on voudra. Surtout, il a une écriture, diaprée, qu'il a mise cette fois-ci au service de Johnny Hallyday. Pourquoi pas ? Un homme qui, à 56 ans, chantant depuis quarante ans, remplit trois soirs de suite le Stade de France, est quelqu'un qui a la grâce, la grâce des grands artistes. « On ne peut pas faire ce métier si on est normal », dit Johnny. Il n'est évidemment pas « normal ». C'est sa singularité que traque Daniel Rondeau. Un type gentil, délicat, qui a peur quand la nuit tombe. C'est pourquoi il est dehors tous les soirs. Il sait qu'il est le Roi mais en tire plus d'angoisse que de réconfort. Il a une véritable élégance de manières, mais il a fait scandale dans tous les grands hôtels de France à coups de bagarres et, à la fin d'une nuit de beuveries et de petites pilules, il peut « rire bas et rouler dans le caniveau ». En vérité, aucun être humain ne peut supporter sans calmants-excitants la charge d'une aussi longue célébrité, menacée après l'échec de Las Vegas et magistralement réassurée à Bercy. Le livre de Rondeau n'est pas une biographie. C'est un portrait à travers une série de rencontres échelonnées sur plusieurs années, et un prétexte pour se faire chroniqueur des années 60, du rock qui explose et envahit tout, du show-business qui émerge et dévore ses propres enfants, un prétexte aussi pour revenir sur un thème qui l'obsède : comment agir sur ses rêves quand il n'y a plus de rêves ? Ah ! nostalgie des combats d'autrefois ! Ainsi a-t-on en un seul livre deux portraits, celui discret, de l'écrivain, et celui, consistant, de son modèle, joliment bien tricotés. Françoise Giroud « Johnny », par Daniel Rondeau, NiL, 194 p., 25 p. de photos, 120 F.

Jeudi, novembre 18, 1999
Le Nouvel Observateur