Le libéralisme, système américain, ne s'est jamais acclimaté chez nous. Alors, du calme!
Libéral : encore un beau mot qui est tombé malade, confisqué à droite par un parti fantôme, devenu à gauche une grosse injure. Portant la terrible accusation sur Lionel Jospin, un journaliste du «Monde», Laurent Mauduit, auteur de «la Gauche imaginaire», faisait la tête de quelqu'un qui aurait glissé sur une crotte! Edwy Plenel, son directeur de la rédaction, le lui fit remarquer. C'était drôle (LCI). Mais ça veut dire quoi, au juste, être libéral? A l'origine, c'est préconiser la liberté pour tous, une liberté politique et économique réduisant au strict minimum les pouvoirs et interventions de l'Etat. Dans son principe, c'est le système américain. Son vice majeur, c'est d'aggraver l'inégalité. Or le libéralisme, né à Paris vers 1820 avec une poignée de députés de l'opposition, ne s'est jamais acclimaté en France. A l'inverse de la Grande-Bretagne, ni son esprit ni sa pratique ne font partie de notre culture politique. Alors, du calme! Ce n'est pas demain qu'un Premier ministre sera libéral. Tout s'y oppose depuis les Capétiens. Dans «Edition spéciale» un reportage à peine croyable sur les recrues de l'Armée rouge. Incorporés à 18 ans, ces jeunes gens subissent toutes les nuits un bizutage d'une violence physique inouïe. Ce bizutage, on l'a montré. On a vu ces cascades de coups dans la figure, dans le ventre, dans les testicules. Résultats pratiques : suicides et surtout désertions en série. Alors la chasse aux déserteurs a été ouverte. Pour les appâter, on a promis l'amnistie à ceux qui se rendraient. Il y en a eu 12000. Les soldats sont si peu sûrs que seuls les conscrits volontaires peuvent être engagés sur le terrain. Dans un village du Nicaragua habité par des Indiens mosquitos, un Allemand, Dieter, a fondé un lieu pour adolescents délinquants. Adolescents allemands. Par exemple les services sociaux de Hambourg lui envoient ces enfants perdus, souvent drogués. L'environnement est particulier. Pour se nourrir, chacun doit aller casser du bois dans la forêt, faire du feu, puiser l'eau dans le fleuve, apprendre à pêcher, à chasser. Au début, c'est rude pour des petits citadins délabrés. Il y a des échecs, des refus, des colères. Mais à travers ce mode de vie insolite, Dieter leur fait découvrir, sans aucun discours moralisateur, que le travail, l'effort, la solidarité, c'est très utile. Et il les sauve (Arte). A propos du lancement mirobolant de «Eyes Wide Shut», le film de Kubrick, «Arrêt sur images» en a fait un récapitulatif savoureux. On y voyait beaucoup les fesses de Nicole Kidman, qui sont charmantes, mais, si la publicité du film est magistrale, «Eyes Wide Shut» ne l'est pas. C'est souvent ennuyeux, et franchement grotesque quand Kubrick veut évoquer l'enfer de la débauche. «Histoire d'O» interprété par Hollywood. Pour le reste, sa morale est impeccable : faites l'amour avec votre partenaire légitime. C'est plus sûr. La juge Eva Joly, interrogée par Ruth Elkrief, a prononcé une plaidoirie en faveur des juges d'instruction. Elle ne voulait pas dire un mot de plus, donc elle n'a rien dit. Ce n'est pas une personne qu'une question peut prendre par surprise. Mais alors était-il bien nécessaire de la déranger? Charles Pasqua, lui, interrogé par l'équipe du «Grand Jury», a largement brodé sur la comédie du RPR, dont il parle comme d'une vieille brouette. Quant à Jacques Chirac, il doit se retirer pour provoquer une élection présidentielle. Un conseil pittoresque tant il a de chances d'être entendu. F. G.
Jeudi, septembre 30, 1999
Le Nouvel Observateur