Arsenic et vieil empereur

Napoléon empoisonné par Montholon, le fidèle des fidèles? C'est bien possible
En somme, Bernard Bonnet a disjoncté. Ce n'est pas courant dans la profession. Vertige du pouvoir? Ego surdimensionné ? il parlait de lui à la troisième personne ?, ambition dévorante d'obtenir de meilleurs résultats dans la lutte qu'il menait, non sans succès, contre une certaine Corse? On ne lutte pas longtemps contre cette Corse-là, où alors on s'en va les pieds devant, comme le préfet Erignac. Elle est réfractaire à cette chose bête et nécessaire à la vie en société: la loi. On ne paie pas ses impôts, on tripote dans les caisses du Crédit agricole, on règle ses comptes à l'explosif et au revolver, on appelle ça la singularité corse. Le fait est que ces comportements ne sont pas habituels dans la Creuse ou le Loir-et-Cher. Il y a aussi beaucoup d'honnêtes gens dans l'île, il y a surtout des femmes courageuses, remarquables, acharnées à conjurer ses maléfices. Mais il y faudrait un sursaut de la population contre ses moutons noirs. En tout cas, le préfet Lacroix a bien du courage. Le voilà condamné à vivre, comme son prédécesseur, avec un gilet pare-balles? Ahurissant, c'est ahurissant. Des pages et des pages sur l'illettrisme, des tonnes de déclarations plus ou moins désabusées et pas un mot sur la seule méthode qui ait fait ses preuves. Celle d'un médecin neurologue, le docteur Gisèle Gelbert, qui arrache tous les jours des enfants à leur malheur. Le docteur Gelbert, qui a beaucoup publié à ce sujet, a découvert la source la plus courante de l'illettrisme : une atteinte des circuits cérébraux qui permettent l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Par une rééducation de ces circuits, elle-même et ses disciples obtiennent des résultats spectaculaires. Celui qui ne lisait pas lit, celui qui n'écrivait pas écrit. Ce n'est pas automatique, mais efficace dans un très grand nombre de cas. Que l'Education nationale, où l'on est informé de cette technique, soit incapable de l'intégrer et passe des colloques entiers à faire mouliner les vieilles ritournelles par des «spécialistes» qui n'en peuvent mais, c'est à pleurer. Joli documentaire sur? Napoléon, tourné dans la maison de Sainte-Hélène où il passa ses cinq ans de captivité. Etrange maison rouge dans un grand parc superbe, qui était pleine de monde, cour bruissante de ragots et de mesquineries? Voilà son lit dont, à la fin, il ne sortait plus parce qu'il ne tenait plus debout sur ses chevilles enflées, voilà sa baignoire de cuivre où il passait des heures quand il a commencé à se laisser couler? Impossible de regarder cela sans curiosité. Il meurt en 1821. En 1840, sa dépouille est rapatriée et commence la polémique entre historiens : a-t-il été empoisonné à l'arsenic par Montholon, son chambellan? Première preuve avancée : sa dépouille est intacte et l'arsenic conserve. Contre-preuve : quand les révolutionnaires ont arraché à son tombeau Henri IV, il était intact. Et l'arsenic dans les cheveux? Pas absolument probant. Pourquoi Montholon lui aurait-il versé sa dose de poison quotidienne? Jaloux peut-être. Napoléon a fait un enfant à sa femme, une fille. Il n'aurait pas aimé. On a entendu discuter ferme partisans de l'empoisonnement et adversaires de cette thèse, tous avec des arguments troublants. Un descendant de Montholon errait, mélancolique, dans la maison, anxieux de savoir s'il avait parmi ses ancêtres l'assassin de Napoléon. Tout cela se laissait voir et entendre avec intérêt. (France 3.) Bon document aussi sur Canal+. Des photographes de guerre sur le terrain de leurs exploits, leurs meilleures photos? et leurs états d'âme : ça sert à quoi? Mais ils ont leur métier dans la peau. Enfin, disons-le franchement, les acariens sont dégoûtants. Par chance, ils sont si petits que nous ne les voyons jamais, bien qu'ils soient dans notre matelas, sur nos rideaux, et même sur la croûte de notre fromage. Oui, oui, les acariens sont partout. Quand on les voit, grâce à un nouveau microscope électronique, on leur trouve une sale gueule à ces petites bêtes auprès desquelles une fourmi paraît géante. Thierry Bernod est entré dans leur intimité pour en tirer un film exceptionnel, vraiment, mais qui laissait dans un malaise profond. On n'osait plus, tout à coup, rien manger, rien toucher au risque d'effleurer une horde d'acariens moqueurs. Etranges compagnons que la nature nous donne. (France 2.) F. G.

Jeudi, mai 13, 1999
Le Nouvel Observateur