La notion de virilité a été disqualifiée par le féminisme. Cela mériterait un traitement plus subtil que dans certains films
La barbarie est au cœur de l'Europe, à la fin d'un siècle que l'on croyait repu. C'était compter sans la nature humaine, qui produit régulièrement ses bourreaux. C'est le visage de cette barbarie qu'un terrible documentaire, réalisé par l'équipe de Capa pour M6, au Kosovo, en Macédoine et au Monténégro, nous a jeté à la figure. Avec intelligence, les reporters se sont attachés à décrire des destins individuels qui sont en même temps exemplaires. Inoubliable, ce Kosovar digne que l'on expédie quasiment de force en Turquie dans un avion macédonien. Il demande : «Pourquoi les hôtesses ont-elles des mas-ques? Elles nous prennent pour des bêtes contagieuses?» «Oui, dit l'hôtesse dégoûtée. On ne sait pas d'où ils viennent, ces gens-là?» Les caméras de Capa sont entrées au Kosovo, elles ont suivi la dure marche en retrait, dans la neige, d'une patrouille de l'UCK qui emporte ses blessés. Des centaines de jeunes gens, venus de partout, ont rejoint l'UCK. Dans l'autobus qui les véhicule depuis Paris, ils parlent. Ils ont des femmes, des enfants, mais ils auraient honte s'ils ne rejoignaient pas le combat de leurs frères. Au Monténégro, la population est divisée, au bord de la guerre civile entre pro-Serbes et pro-Kosovars qui s'insultent. Mais on ne peut pas rapporter tout ce que contient ce reportage exceptionnel digne des meilleurs documentaires britanniques. Toute la détresse humaine née de l'ambition d'un dictateur est là, ramassée, insoutenable. Qu'est-ce qu'être un homme aujourd'hui? Bonne question. Canal+ s'est proposé d'y répondre en deux heures. Effets conjugués du chômage, de l'indépendance économique des femmes et des tâches ménagères désormais partagées, le bon vieux macho d'autrefois périclite. L'espèce s'étiole, les hommes ne font plus modèle et cela ne va pas sans troubler l'image qu'ils se font d'eux-mêmes. Catherine Breillat, promue experte en bandologie depuis qu'elle a pris pour interprète une star du film pornographique, a affirmé: «L'homme a une angoisse permanente de ne pas bander.» Certes. Mais est-ce bien nouveau? Relire Jean-Jacques Rousseau. Tout y est sur les femmes trop entreprenantes. Les dragueuses effrontées d'aujourd'hui qui disent, déconcertées : «On leur fait peur!» devraient relire les bons auteurs. Comme l'écrit Claude Habib («le Consentement amoureux»): «S'il n'est pas prouvé que la virilité serve à quelque chose en politique, en composition musicale, dans la recherche scientifique, etc., il est certain qu'en matière sexuelle elle sera toujours requise.» Irène Théry, pertinente comme toujours, remarqua que la notion de virilité a été disqualifiée par un certain féminisme et qu'il y a une crise de la masculinité. La virilité en tant que telle a été remise en question. Est-ce qu'on ne devrait pas s'interroger sur les qualités qui lui sont associées et se les réapproprier? Le sujet n'était pas négligeable, loin de là. Il est au cœur de la société où, si l'on en croit une certaine littérature contemporaine, la misère sexuelle fait des ravages parmi les hommes et des cinglées parmi les femmes. Il aurait mérité un traitement plus subtil. Que signifie être gaulliste trente ans après de Gaulle? Invité au «Monde des idées», Nicolas Tenzer a tenu des propos tellement excessifs dans le dénigrement du gaullisme d'origine qu'ils en devenaient insignifiants (LCI). Mais il est vrai que, de Pasqua à Sarkozy en passant par Jean-Louis Debré et Séguin, la descendance n'a donné que des nains. Pasqua et Sarkozy étaient en campagne dimanche, l'un sur LCI, l'autre sur TF1, à la même heure. Une tranche du premier, une tranche du second, ce n'était pas drôle, mais quoi! il faut se tenir au courant. Pasqua flanqué de Marie-France Garaud était presque émouvant en Jeanne d'Arc du pauvre. Sarkozy, lui, est dans un tel état de jubilation qu'il parle comme un traquet pour annoncer qu'il va bouter les socialistes hors du pouvoir, créer la première force politique de France. Alain est son meilleur ami, François a trahi mais on le retrouvera, Edouard le soutient, c'est l'ivresse, la pure ivresse. Il se voit avec le pouvoir au bout des doigts. Chirac n'a qu'à bien se tenir.F. G.
Jeudi, avril 29, 1999
Le Nouvel Observateur