Réduire la publicité sur les chaînes publiques, c'est bien. Mais récupérer une partie des recettes des chaînes privées, ce serait mieux?
Deux dispositions au moins sont bonnes dans le projet de réforme de la télévision publique : la réduction sensible de la publicité aux heures de grande écoute ? la fin des tunnels de douze minutes ? et la prolongation à cinq ans du mandat des responsables de chaînes. Il n'en faut pas moins pour avoir des projets et les réaliser. L'une des raisons de la réussite de TF1, outre ses moyens, c'est la stabilité de son état-major. C'est aussi la rapidité, le cas échéant, dans la prise de décision. Ainsi «Monte-Cristo» a-t-il été soustrait à France2, qui l'avait initié. Cela pour dire que l'on reste dubitatif devant la structure de la holding qui devrait coiffer à l'avenir tout le service public. Qui va décider des objectifs de la réforme? Pour faire quelle télévision? Le président de la holding? Son conseil de surveillance (douze personnes)? Son directoire (sept personnes)? Tout cela paraît, à première vue, plus proche d'une construction bureaucratique que d'une cellule de travail dynamique? Deux remarques encore : les recettes publicitaires enlevées au service public et compensées par l'Etat vont aller remplir les caisses des chaînes privées (2 milliards). Celles-ci sont saturées aux heures sensibles mais elles seront en situation d'augmenter leurs prix. La sagesse commanderait d'en récupérer au moins une part sous la forme d'une taxe reversée aux chaînes publiques qui en auront bien besoin. C'est ainsi que fonctionne, en Grande-Bretagne, Channel Four, chaîne publique financée par les chaînes privées, et un peu de publicité. Encore un effort, Madame Trautmann! Reste le choix, par le CSA, de tous ces directeurs, si l'on veut qu'ils soient à la fois indépendants, coopératifs entre eux et avec la holding, créatifs enfin, puisque ce devrait être le but final : produire de la télévision, alléchante et de qualité. De funestes expériences montrent que les hommes de ce profil ne sont pas pléthore. Le documentaire est le royaume de la télévision. Les spectateurs le plébiscitent. Planète fait chaque jour ou presque la démonstration de sa variété. Pourtant, Christophe de Ponfilly, qui a quelques belles plumes à son chapeau, est un documentariste amer. A l'orée de son dernier film, il prévient : «L'Afghanistan, tout le monde s'en fout?» D'ailleurs chacun travaille toujours dans la précipitation, dans la prétendue objectivité, pour finir par faire des images convenues. Lui ne se gêne pas pour dire «je», pour filmer à la première personne, et on va voir ce qu'on va voir. En fait ce préambule n'ajoute rien à ce qui suit, qui est beau, et d'une grande qualité d'information attentive, chaleureuse sur les hommes qui se battent, en Afghanistan, contre les talibans après avoir combattu les Soviétiques. Leur chef : le fameux commandant Massoud, héros romantique. Il a raté son heure. Lorsque les Soviétiques ont évacué Kaboul, Massoud, qui est un guerrier et pas un politique, n'a pas su s'imposer. Maintenant, retranché au fond du Panshir à la tête de ses troupes en guenilles, il résiste à l'étrange coalition américano-pakistanaise qui soutient les talibans, l'attaque quand il le peut. Tout cela est vu de près, bien filmé, la caméra respire. C'est du bon travail. Est-ce «tout le monde se fout de l'Afghanistan?» Pas plus que du Kosovo. Tout le monde se fout de tout ce qui n'est pas à sa porte. Mais Ponfilly a, c'est évident, une relation intense avec ce malheureux pays et ses hommes fiers. Massoud le fascine, il est fascinant d'ailleurs, c'est son amour pour l'Afghanistan des rebelles qui baigne son documentaire et en fait la beauté (Arte). Les cités : y a-t-il encore quelque chose à dire à leur sujet? Marcel Trillat, excellent journaliste, a réussi à être plus pénétrant que d'autres et à faire parler, en les respectant, ces jeunes sauvages, un peu voleurs quelquefois, animés par un appétit dévorant de vivre. On avait envie de les aider à s'en sortir avant qu'ils ne se perdent. Ils le désirent tellement? («Envoyé spécial»). Jacques Delors au «Grand Jury» de LCI: lumineux sur la crise économique et finan-cière, pédagogue, apportant des solutions. Son dernier mot : «Tous les gouvernements sociaux-démocrates sont au pied du mur. Ils seront jugés dans les cinq ans. S'ils échouent, la sanction sera terrible.» F. G.
Jeudi, octobre 8, 1998
Le Nouvel Observateur