Comment le port généralisé du pantalon a-t-il pu échapper à la sagacité de Pierre Bourdieu? Serait-il aveugle aux femmes de son temps?
Assister, goguenard, aux tribulations de la droite dite républicaine est une posture qui ne peut réjouir personne. On voit bien qu'il y a un grand danger dans son effondrement. Il faut dire que l'écho quasi quotidien accordé par la télévision à ses états d'âme ne contribue pas à lui rendre crédibilité. Que ce rabâchage ait réussi à faire de Jacques Blanc une figure de la vie publique est saugrenu. C'est une petite vis dans la boîte à outils politique, Jacques Blanc, un clou où s'écorche l'Alliance. Et on passe des minutes à disserter sur son cas? Sur le plateau de «Polémiques», où Alain Madelin épuisait les ressources de sa dialectique dans son numéro d'équilibriste avec le Front national, un étudiant du Languedoc-Roussillon dit gravement : «Jacques Blanc m'a trahi?» Il n'avait qu'à le regarder avant de voter, pour le prévoir. Il y a des visages qui ne mentent pas. Edouard Balladur, ouvrant la saison de «Public», essaya de donner un peu de hauteur à son propos : un programme pour la droite. «Je vais vous dire ce que je pense du FN?» , annonça-t-il, et on s'attendait à quelque formule. Mais il en sortit ce jugement étrange : «Le FN est pessimiste.» Et puis? Et puis rien. De vieilles lunes. Edouard Balladur souriait beaucoup, content de son devoir de vacances, comme s'il eût établi les Tables de la Loi. Il est certainement honnête homme. Il aime Johnny Hallyday comme tout le monde et s'est fait saucer pour finir par ne pas l'entendre. Ce fut l'information la plus sensationnelle de ce «Public». Revenons à «Polémiques», émission parfois confuse. Grâce à deux interlocuteurs de choix, Hélène Carrère d'Encausse et Alexandre Adler, qui surent s'écouter l'un l'autre, elle apporta un éclairage sur la situation en Russie. La crise économique dans un pays sans Etat, déclenchée par la baisse du prix des matières premières dont la Russie est forte exportatrice, provoquée elle-même par la crise financière asiatique, est catastrophique. Mais, selon Adler, elle n'entraînera pas de guerre civile. Hélène Carrère d'Encausse approuve. Les Russes ne veulent plus de bain de sang. Ils veulent faire l'Histoire dans les urnes. Quelle Histoire maintenant? C'est imprévisible. Mais, toujours selon eux, la crise russe ne devrait pas avoir de conséquences graves sur l'Europe. Elle est spécifique. C'était clair et intéressant. Trois heures de film. L'ambition de Daniel Rondeau était à la taille de l'émission : restituer à travers une série de témoignages l'épopée de la France libre. Document pour l'Histoire, sans une flatterie pour l'?il, des hommes filmés en plan fixe, qui parlent. Si peu nombreux, si désespérés par la défaite, si courageux, si ardents à courir se battre, à restaurer l'honneur. L'un d'eux, Jacques Soufflet, rapporte un beau mot de De Gaulle adressé au général Georges Picot. Celui-ci hésite à rallier les Forces françaises libres. «Je ne sais pas ce qui se passe vraiment dit-il, les journaux mentent, les informations ne sont pas fiables.» Alors de Gaulle : «Je vais vous donner une information. De source sûre, je sais que les Allemands sont à Paris.» Il est bon que ce document existe. Dans un ouvrage, ardu ô combien, où il traite de «la Domination masculine», Pierre Bourdieu dénonce la jupe, entrave à la liberté des femmes. C'est bien vu. Mais il ajoute curieusement qu'elle est corrigée «par certaines jeunes femmes en pantalon et talons plats». Certaines? 75% des femmes de tous âges et de toutes conditions vivent en pantalon depuis qu'un libérateur inspiré, Yves Saint Laurent, l'a imposé dans leur vestiaire. Une victoire de la liberté sur le poids des siècles dont on ne parle guère. Quant aux talons, la légende veut qu'ils aient été inventés par une femme qui en avait assez d'être toujours embrassée sur le front. Bourdieu serait-il aveugle aux femmes de son temps dans ses observations? Sauf erreur, vingt-huit films ont été tirés du «Comte de Monte-Cristo». Dumas, fabuleux inventeur d'histoires, était né pour l'écran. Revu et corrigé par Didier Decoin, ce nouveau «Monte-Cristo» où Gérard Depardieu déploie sa stature et son regard de loup est joliment bien réussi. Qui n'a pas eu, dans son enfance, le cœur battant aux aventures d'Edmond Dantès, l'homme à la revanche entre les dents? On s'en léchera les babines quatre semaines de suite. Du mélo nanan. F. G.
Jeudi, septembre 10, 1998
Le Nouvel Observateur