Celles qui n'en peuvent plus du foot pendant que leurs maris trépignent devant leur poste ont désormais où aller...
On aurait aimé entendre le commentaire de Pierre Desproges sur l'hommage qui lui a été consacré. Avec quel vitriol cet atrabilaire misanthrope l'aurait accueilli, lui pour qui la télévision et une chasse d'eau, c'était la même chose puisque ça charriait de la merde... Mais Pierre Desproges est mort et on l'ensevelit dans le respect, lui pour qui nul n'était sacré, même pas Coluche. Il avait un style, de la classe même avec sa voix plate et son humour triste. Son interview de Françoise Sagan, impavide sous ses questions délirantes, est un chef-d'œuvre. Desproges n'a jamais connu la popularité de Coluche ou du Luron ses congénères, mais il était immensément drôle, d'une drôlerie singulière qui n'a pas vieilli (Canal+). Les cochons sont des animaux charmants quand ils sont bien tenus, roses avec leurs grandes oreilles... Mireille Dumas en aurait bien interrogé un ou deux, hélas! il leur manque la parole, aux taureaux aussi, et aux belles aquitaines placides... Campée au Salon de l'Agriculture, elle s'est donc contentée de faire parler les éleveurs, choqués de constater que des jeunes visiteurs ne savent pas que le lait sort du pis des vaches. Un vieux couple a raconté combien c'était dur, autrefois, l'agriculture; dur pour les femmes surtout. Les jeunes filles n'avaient qu'une idée : fuir la terre. D'ailleurs, elles l'ont fait. Aujourd'hui, 34% des agriculteurs sont célibataires. Qu'est-ce que les Parisiens viennent, en grand nombre, chercher au Salon de l'Agriculture? «Leurs racines, dit un exposant.Nous, on a des racines, eux, ils n'en ont plus.» C'est le mal des grandes villes. Il semble que les Parisiens y soient plus sensibles que d'autres. Ils sont de plus en plus nombreux qui partent s'installer en zone rurale et y planter leurs choux. Si on en a déjà ras les oreilles de la Coupe du Monde, on peut s'inscrire chez Mme Louchet. Cette charmante dame a organisé, avec une association de femmes, des dîners où l'on accueillera celles qui n'en peuvent plus, pendant que leurs compagnons trépigneront devant leur poste. Elle l'a dit sans hargne dans l'émission de Christine Ockrent sur une Europe ivre de football. On peut aimer ce jeu, c'est mon cas, et s'effarer de la place qu'il a prise, des milliards qu'il brasse... En Grande-Bretagne, les grands clubs sont cotés en Bourse, gérés par des professionnels du monde des affaires, et ils distribuent des bénéfices appréciables. Un grand joueur comme Ginola ? un Français qui officie à Tottenham ? gagne 200000francs par semaine. Cela fait rêver les gosses, pas seulement l'argent mais la gloire... Un dirigeant allemand, M. Aigner, dit : «On va vers l'explosion du business... Nous sommes conditionnés par les réalités.» On a entendu Jacques Delors protester : «Il n'y a pas que le fric...» Il était bien seul. La série de «Corpus Christi» est extraordinaire. Arte en a diffusé quelques volets inédits. Ils avaient la même capacité d'envoûtement que les précédents. Pourquoi donc se passionne-t-on sur le point de savoir si Jésus est ressuscité, si «le disciple bien-aimé» était Lazare, par qui fut écrit l'Evangile attribué à Jean... Le fait est là: on se passionne. C'est que les vingt-sept érudits appelés à donner leur interprétation des textes en font une lecture différente, épluchant le moindre mot des quatre évangélistes, pointant les contradictions. Notant que seuls les disciples ont vu Jésus ressuscité et non ses adversaires, l'un des érudits a eu cette comparaison sacrilège : les disciples n'acceptent jamais la mort de leur maître, regardez le roi Arthur, Elvis Presley... Filmée le plus simplement du monde, cette série est un déni à toutes les lois prétendues de la télévision. «Bosna», superbe documentaire de B.-H. Lévy sur la guerre de Bosnie, fait le procès, témoignages et interviews à l'appui, de la responsabilité et de l'aveuglement de la France et de la Grande-Bretagne dans le développement du conflit. Un grand document pour l'Histoire... Un portrait sensible de Pierre Lazareff, déjà diffusé, a été repris par La Cinquième. Les témoignages de Philippe Labro et Robert Soulé, qui le suivaient, lui ont donné une dimension supplémentaire, en particulier sur le drame que fut pour «France-Soir» le développement de la télévision. Autant que d'un cancer, Pierre Lazareff, Pierrot la tendresse, en est mort. F. G.
Jeudi, avril 16, 1998
Le Nouvel Observateur